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DIEU NE FAIT RIEN POUR LES FAIBLES

A Zilina, en Slovaquie, en avril 1944, deux jeunes femmes, Marthe et Elsa, viennent de s’évader d’Auschwitz et elles ont pris contact avec le conseil juif de la ville. Au moment où la pièce commence, elles sont accueillies par un couple, Zabeth et Daniel. Ce dernier, Daniel, est un notable local (à la fois journaliste, instituteur, conseiller municipal et faisant fonction de rabbin) qui a été chargé de recueillir les témoignages des deux jeunes femmes. Sur ces entrefaites, arrive Jacob Epstein, un rabbin de Bratislava, qui a été contacté pour accompagner Daniel dans sa tâche. On comprend que Zabeth et ce dernier, Jacob, se connaissent déjà mais Jacob ne tient pas à ce que cet élément soit divulgué. Les quatre journées qui suivent vont être entièrement consacrées aux entretiens entre les jeunes femmes et les deux hommes, entretiens menés de façon individuelle : Jacob avec Marthe et Daniel avec Elsa. Les hommes, et surtout Jacob, laissent percevoir des suspicions à l’égard des jeunes femmes, essentiellement parce que leur témoignage, ce que rapportent les jeunes femmes, intervient à une époque où les alliés sont peu, ou mal, informés de la solution finale.

DOM JUAN

Pour Antoine Vitez une table, deux chaises, des flambeaux et une compagnie d’acteurs suffisent pour jouer tout Molière.

Dom Juan n’échappe pas à la règle et la discontinuité affirmée des lieux de l’action sort renforcée de l’absence de décor en permettant de se recentrer sur les personnages en faisant fi du autour. Il y a dans la compagnie, la nécessité du groupe d’acteurs à pouvoir jouer les multiples rôles « les acteurs copient les personnages d’une pièce sur l’autre et celui qui joue un valet ici en garde un peu quelque chose pour jouer un seigneur là-bas. Ou l’inverse. » (1)

Dans notre version, une chaise d’époque Louis XIII dans l’espace suffit, comme chez Antoine Vitez. Elle symbolise les lieux de l’action, le centre de l’intrigue.

La compagnie d’acteurs se fond en une seule personne qui garde une part de chaque personnage quand elle devient autre.

Cela résume notre démarche : dire Dom Juan et le faire entendre dans la plus grande simplicité, sans artifice. Faire rêver par les gestes au service du texte. Une actrice unique qui sur le plateau tour à tour est valet ou seigneur, Guzman ou Elvire.

Elle est mue par les forces contraires de la distanciation et du sentiment, du faire et du raconter, du parler soutenu et de l’ivresse joyeuse de l’allitération, suspendue aux axes (corps, visage, regards) dans un rythme incessant.

Travail de l’altérité, Dom Juan et Sganarelle : « Ce n’est pas à vous que je parle, c’est à l’autre ! ». Ou la séduction dite par un homme racontée par une femme.

Ce minimalisme affirmé s’adapte à tous les lieux, même si le vaisseau théâtre est le plus propice à sa diffusion.

(1) Antoine Vitez-programme des Molière

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Extraits de l’entretien de Nathalie Jungerman (Florilettres) avec Sophie Paul Mortimer sur Dom Juan :

N.J. Comment avez-vous travaillé pour ce jeu en solo ?

S.P.M. On a choisi de penser que c’était Elvire – elle repart au couvent, folle de douleur- qui se repassait tous ces rôles.

Elvire ou l’actrice qui joue Elvire. Finalement, le point de départ, c’est une conteuse, c’est quelqu’un qui vient dire Dom Juan.

N.J. Quelles difficultés particulières avez-vous rencontrées ?

S.P.M. Ce qui m’a été facile, c’est le rôle de Sganarelle que j’ai tenté de trouver dans le déhanché des Burlesques. Pendant des mois, on a travaillé en binôme…alternativement. Le rôle le plus difficile a été Dom Juan. Pour Elvire, évidemment, c’était un peu plus simple.

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La presse en parle

« Nous aurons été quelques-uns à assister à un Dom Juan très inattendu au théâtre de Vanves, où l’actrice Sophie Paul Mortimer, seule en scène, assume tous les rôles de la pièce. Une performance troublante au service du texte, mise en scène par Jean-Louis Grinfeld »
« Il aura suffi d’une chaise Louis XIII et d’une actrice pour jouer tout Dom Juan »
Danielle Birck (RFI)

« Ce que propose Sophie Paul Mortimer, se jetant solitaire dans la cage aux lions d’un chef d’œuvre du grand répertoire est une illustration plénière de la phrase derridienne « seul l’impossible peut arriver » car la volonté téméraire de jouer à elle toute seule le Dom Juan de Molière, dilatant sa personne ludique pour embrasser la totalité de l’œuvre sans partenaire de jeux, fait advenir ludiquement et mentalement cela que d’aucuns jugeraient impossible »
« La textualité en chair et en os qu’un lecteur halluciné ferait résonner dans son oreille interne et visionner sous ses paupières grand ’ouvertes, en se la jouant par devers lui dans un coin de café ou de bibliothèque. Dans des mouvements rares de transcendance onirique … Oui, j’ai vu/entendu cela à Washington lorsque Sophie Paul Mortimer a déployé cette magie éclatée sur la scène de l’ambassade de France devant un public fasciné »
Roger-Daniel Bensky, dramaturge, Georgetown University, Washington DC

LES FILLES DE LA MER

Couchée dans les herbes hautes par cette froide nuit de mars,
Je regardais la lune ronde et claire entourée d’étoiles
J’entendis un oiseau,
Son chant annonciateur était troublant,
Le vent se leva, puis au loin
Les cris déchirant de la mort
Je me suis mise à courir, de manière irrésistible
Comme attirée par une force invisible
Elle était là, toute vêtue de blanc
Sa robe tachée de son sang
Un ogre lui serrait la gorge
Ses serres se resserraient sur son cou éclairé par la lune
La colombe n’avait plus de voix
J’ai mis la main au sol par instinct
J’ai saisi ce qui était à ma portée
Je me suis avancée vers l’homme qui était de dos
Je l’ai frappé à la tête pour qu’il lâche sa proie
Il s’est écroulé sur le côté
Je me suis penchée sur la femme vêtue de blanc
Elle ne respirait plus
L’oiseau vint se poser à ses côtés
C’est là que je me suis aperçue que j’étais trois

DÉDALE – SCULPTURE DYNAMISÉE

Echappée de l’absurde réalité du totalitarisme, la troupe de theatre AKHE s’applique à faire un pas vers la tragédie de l’antiquité.

Leur première performance allotchtone « DEDALE » se consacre à détailler le célèbre mythe de cet homme qui, par l’ingénierie, a su mener ses rêves jusqu’à la voie de la réalisation. Se libérer, la fuite de l’assujetissement, le prix de la liberté ; sous ces angles, l’histoire antédiluvienne et la réité fragile se réfractent dans le prisme d’une AKHE-scenographie mecanisée.

La sculpture dynamisée DEDALE est une narration visuelle détaillée que chapitrent les mouvements géométriques du « nouveau cirque », de la clownade extravagante, de l’espace-temps mis à nu. C’est la subjective reconstruction d’un mythe, c’est la représentation publique de l’invisible, c’est le théatre d’ingénieurs AKHE en action.

A ne pas manquer.

WWW.ÊTRE OPTIMISTE .CONNE

Au milieu des passages cloutés et des voix sans issues, des ronds-points à la ligne et des transports peu communs, Clarschen propose un labyrinthe de chansons, un itinéraire tumultueux et savoureux… entre flou rire et révolte face. Pas impossible qu’il vous faille vous contorsionner un peu avec elle, respecter les priorités à gauche ou les courts-circuits pour cette visite guidée de son univers , mais promis, avec « www.être optimiste .conne », Clarschen vous amène à bon port.

Très concrètement c’est un spectacle à l’humour acide, construit autour de dix chansons et d’une réflexion sur les écueils de la psychologie positive.

Un mélange de chansons, de stand up et de conférence gesticulée.

DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE

« Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. Je ne veux pas que vous le heurtiez, ni que vous l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse dont on dérobe la base, tomber de son propre poids et se briser. »

« Certes, ainsi que le feu d’une étincelle devient grand et toujours se renforce, et plus il trouve de bois à brûler, plus il en dévore, mais se consume et finit par s’éteindre de lui-même quand on cesse de l’alimenter : pareillement plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus ils ruinent et détruisent, plus on leur fournit, plus on les gorge ; ils se fortifient d’autant et sont toujours mieux disposés à anéantir et à détruire tout ; mais si on ne leur donne rien, si on ne leur obéit point; sans les combattre, sans les frapper, ils demeurent nus et défaits: semblables à cet arbre qui ne recevant plus de suc et d’aliment à sa racine, n’est bientôt qu’une branche sèche et morte. »

« Souffrir les rapines, les brigandages, les cruautés, non d’une armée, non d’une horde de barbares, contre lesquels chacun devrait défendre sa vie au prix de tout son sang, mais d’un seul ; nommerons-nous cela lâcheté ? » 

« Chose vraiment surprenante (et pourtant si commune, qu’il faut plutôt en gémir que s’en étonner) ! C’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir, puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel. »

« …si l’on voit, non pas cent, non pas mille, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir, ne pas écraser celui qui, sans ménagement aucun, les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves : comment qualifierons – nous cela ? »

« N’est-ce pas honteux, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais ramper, non pas être gouvernés, mais tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants,  ni leur vie même qui soient à eux ? »

« Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude. »

Étienne de La Boétie

DURAS/GODARD DIALOGUES

L’homme d’images fasciné par le livre et la femme de lettres attirée par le cinéma se sont rencontrés un après-midi. Elle lui a envoyé quelques vérités à la figure. Il a encaissé avec humour. Un dialogue passionnant.

Ses grosses lunettes de prof sur le nez, solidement installée derrière son bureau, quelques feuillets disposés devant elle, Marguerite Duras fixe un regard d’examinatrice attentive et froide sur le jeune homme timide qui vient se soumettre à un interrogatoire sans complaisance: Jean-Luc Godard se prépare à s’expliquer, entre autres, sur son dernier film, Soigne ta droite, mais aussi sur le cinéma en général, la littérature, la politique, la télévision…

L’élève Godard s’assied donc sur le bout de son siège, les yeux baissés et le sourire crispé. Il sait ou devine que le professeur Duras ne sera pas vraiment tendre avec lui, qu’elle s’apprête à passer au crible de sa redoutable intelligence la  » copie  » qu’il lui a remise. De fait, il va être servi!

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Extrait de la Critique du Journal Le Monde, autour de l’entretien filmé de «Godard-Duras »  en 1987,  dont est tiré le spectacle

Tout parait bien commencer, pourtant.  » Ton film est très beau « , lui dit Marguerite. Tiens ! elle le tutoie. Cela fait cinq ans qu’ils ne se sont pas vus, mais ils s’estiment et même — on l’apprendra par la suite — se sentent assez proches l’un de l’autre, comme l’est souvent l’élève doué de sa maitresse. Il remercie, ému :  » Tu sais bien dire du bien des choses. Moi, je ne sais bien dire que du mal « . Mais il ne perd rien pour attendre : pour dire du mal, elle s’y connait aussi.  » Je ne vois pas chaque fois la raison d’être du texte « , dit-elle. Puis elle y va carrément : il aurait mieux fait de faire un film muet, avec beaucoup de son.

La conversation continue. Sur les rapports entre le cinéma et la littérature. Sur Shoah, dont Godard n’est pas enthousiaste. Sur Sartre, qu’il défend contre Duras, qui définit son parcours comme  » une énorme carrière de nullité « . Sur la musique : elle aimerait qu’il porte à l’écran le Sacre du printemps ou Noces de Stravinsky.

Peu à peu, l’humour aidant, Jean-Luc relève la tête. Et on est content pour lui. Il retrouve son souffle, ses formules, son art de l’esquive. On ne comprend pas tout, ce serait trop simple, mais, comme toujours, c’est drôle, stimulant, injuste, profond. De son côté, Marguerite se fait moins rude, moins impérieuse. Au lieu d’interroger, elle parle, suggère, cherche. Un vrai dialogue se noue, un peu décousu quelquefois, passionnant le plus souvent. Lui, homme d’images fasciné par le livre ; elle, femme de lettres attirée par le cinéma.  » Littérature et cinéma, dit-il, c’est l’envers et l’endroit.  » Il ajoute, énigmatique :  » Le cinéma commence par le temps retrouvé, la littérature commence par le temps perdu.

LE TARTUFFE

Depuis le XVIIIe siècle, le personnage de Tartuffe est synonyme par excellence d’hypocrisie, et si son succès ne s’est jamais démenti, c’est que nous sentons bien que l’hypocrisie nous concerne tous, dupes et mystificateurs que nous sommes tour à tour.

Si les mauvais penchants de l’être humain font les imposteurs d’hier et d’aujourd’hui, son désir de spiritualité peut dès lors servir la soif du pouvoir, le goût de la manipulation, et tous les appétits… La « tartuferie » apparaît dans tous les milieux, nous devons donc rester vigilants face aux imposteurs toujours présents dans notre société.