À peine conçus, nous attendons. La naissance nous délivre de cette attente. Alors commence l’attente du devenir. C’est l’époque où une certaine insouciance nous permet de croire que la mort ne viendra pas. Les jours, les heures, les secondes passent et l’attente devient de plus en plus présente jusqu’à l’instant inévitable.
Entre-temps, nous aurons su profiter du peu de temps qui nous aura été imparti.
‘‘Godot’’ à l’Épée de Bois…
Sur le plateau la nuit approche sans jamais tomber, le jour luit encore, aussi indécis qu’indistinct. Au milieu, un arbre décharné dont le feuillage peine à prendre forme. Néanmoins il se tient fermement, symbole d’une marche immuable du monde. Perdus dans une lande, à la croisée de chemins qu’on imagine, deux personnages se retrouvent et s’animent. Ainsi commence En attendant Godot de Beckett.
Ces êtres esseulés dans un univers qui semble vide, l’auteur les transfigure par leur questionnement existentiel, leur déroulant une partition parfois loufoque, parfois déroutante, souvent touchante. En somme, une partition à l’image de la nature humaine qui, peu à peu, remplit l’espace et le temps. (…) En savoir plus
Joan Dupau
Cartoucherie, le 16 novembre 2024
La pièce débute par la fête d’lrina, un an après la mort de leur père, marquant la fin du deuil et le début, croit-on, d’une nouvelle vie. Un rêve habite cependant les trois sœurs : retourner à Moscou, la ville de leur enfance.
Cet appel, ce « à Moscou» d’lrina si essentiel pour moi, est devenu inaudible aujourd’hui. J’ai voulu en compagnie des acteurs du TTE interroger ce rêve d’lrina aujourd’hui brisé par le contexte géo-politique dans lequel nous sommes plongés depuis plus d’une année.
Tchékhov a toujours été pour moi une terre nourricière, un auteur, un dramaturge qui m’accompagne dans mes questionnements et mon désir de théâtre.
Et comme le théâtre est un art du présent, il m’a semblé intéressant d’interroger Andreï, Olga, Macha et lrina sur le temps, sur la guerre, l’amour, l’incendie, le deuil, les arrivées, les départs, les déplacements, interroger le travail aussi, appelé lui aussi avec une telle ferveur par lrina.
Julie Brochen
A Zilina, en Slovaquie, en avril 1944, deux jeunes femmes, Marthe et Elsa, viennent de s’évader d’Auschwitz et elles ont pris contact avec le conseil juif de la ville. Au moment où la pièce commence, elles sont accueillies par un couple, Zabeth et Daniel. Ce dernier, Daniel, est un notable local (à la fois journaliste, instituteur, conseiller municipal et faisant fonction de rabbin) qui a été chargé de recueillir les témoignages des deux jeunes femmes. Sur ces entrefaites, arrive Jacob Epstein, un rabbin de Bratislava, qui a été contacté pour accompagner Daniel dans sa tâche. On comprend que Zabeth et ce dernier, Jacob, se connaissent déjà mais Jacob ne tient pas à ce que cet élément soit divulgué. Les quatre journées qui suivent vont être entièrement consacrées aux entretiens entre les jeunes femmes et les deux hommes, entretiens menés de façon individuelle : Jacob avec Marthe et Daniel avec Elsa. Les hommes, et surtout Jacob, laissent percevoir des suspicions à l’égard des jeunes femmes, essentiellement parce que leur témoignage, ce que rapportent les jeunes femmes, intervient à une époque où les alliés sont peu, ou mal, informés de la solution finale.