J’ai choisi de mettre en scène cette comédie de Molière, parce que c’est une pièce qui cache son jeu ! D’une réplique à l’autre, on fait le grand écart entre le drame humain et la farce, sans savoir toujours très bien où l’on est et où il est très important de ne pas savoir, jusques aux rôles même, qui doivent de temps en temps échapper aux acteurs !
Cette pièce diffère des autres ouvrages de l’auteur en ceci qu’elle ne se partage pas entre le camp dit des bons et celui des méchants, où les personnages de bon sens usent de tous les stratagèmes pour faire renoncer les chefs de familles à leur égoïste plaisir et où les enfants réalisent, pour clore, le mariage qu’ils espèrent.
Ici, lorsque la pièce commence, le mariage entre George Dandin et Angélique est consommé. George Dandin se plaint de son alliance avec sa femme, qui – dit-il – se tient au-dessus de lui. A l’image de Molière et d’Armande Béjart, c’est l’histoire d’un couple qui se désagrège.
Et c’est sur cette fracture, conséquence d’un mariage forcé, que le scénario s’articule. D’un côté, nous avons George Dandin, qui, à l’ancienne, a acheté sa femme. De l’autre, nous avons Angélique (et sa servante), qui, après avoir subi chacune la loi et la domination des hommes (père, mari, amants) revendiquent désormais le droit à disposer d’elles-mêmes.
Dandin se plaint du comportement de son épouse, mais ne cherche pas à la comprendre, enferré qu’il est dans sa norme. Il ne développe, par ailleurs, aucune stratégie pour s’intégrer au cercle de sa belle-famille, qui pourrait éventuellement le soutenir. Tout ce qu’il cherche, naïvement, pathétiquement, est que l’on reconnaisse son infortune. C’est cette stagnation, qui va de plus en plus l’isoler, avant de le précipiter dans le gouffre.
Il s’est éloigné de lui-même en pensant faire abstraction du champ social dont il est pétri. Dans la séquence de la porte fermée, Dandin-le geôlier est à l’intérieur, et Angélique-la soi-disant captive est à l’extérieur ! D’un bout à l’autre de la pièce, Dandin restera le prisonnier de ce qui lui échappe.
Est-ce une tragédie pour autant ? Certes pas; car on rit en permanence de l’infortune ou du désespoir de celui qui vit son drame et presque tous les personnages sont concernés. Pour parler familièrement : on est toujours le pauvre ou le con de quelqu’un ! Ce n’est qu’après avoir ri, qu’on se demande si on a bien fait et c’est le piège que tend Molière au spectateur !
Avec Laurence Chapellier, la créatrice des costumes, nous voulions marquer le XVIIème siècle, parce qu’il nous semblait important de savoir d’où on partait, pour ensuite laisser courir notre imagination. Notre arrivée dans la Salle en Bois du Théâtre de l’Epée de Bois a prolongé notre désir, qui est à la fois de représenter la beauté et la profondeur.
Un excellent spectacle qui laisse sourdre le cauchemar que subit Dandin mais n’oublie jamais le rire.
LE FIGARO – Armelle Héliot
Un spectacle grinçant et drôle qui montre avec éclat le génie dramatique de Molière.
LA TERRASSE- Catherine Robert
Avec une patience et une humilité d’artisan rompu au polissage de texte, Patrick Schmitt façonne le classique [George Dandin] pour en faire un petit bijou. – LES TROIS COUPS – Elisabeth Hennebert
Une mise en scène de Patrick Schmitt, sobre, sans gras, mais intense et humaine.
THEATRE DU BLOG – Christine Friedel