Archives pour la catégorie se joue en Octobre 2017

GEORGE DANDIN

J’ai choisi de mettre en scène cette comédie de Molière, parce que c’est une pièce qui cache son jeu ! D’une réplique à l’autre, on fait le grand écart entre le drame humain et la farce, sans savoir toujours très bien où l’on est et où il est très important de ne pas savoir, jusques aux rôles même, qui doivent de temps en temps échapper aux acteurs !

Cette pièce diffère des autres ouvrages de l’auteur en ceci qu’elle ne se partage pas entre le camp dit des bons et celui des méchants, où les personnages de bon sens usent de tous les stratagèmes pour faire renoncer les chefs de familles à leur égoïste plaisir et où les enfants réalisent, pour clore, le mariage qu’ils espèrent.

Ici, lorsque la pièce commence, le mariage entre George Dandin et Angélique est consommé. George Dandin se plaint de son alliance avec sa femme, qui – dit-il – se tient au-dessus de lui. A l’image de Molière et d’Armande Béjart, c’est l’histoire d’un couple qui se désagrège.

Et c’est sur cette fracture, conséquence d’un mariage forcé, que le scénario s’articule. D’un côté, nous avons George Dandin, qui, à l’ancienne, a acheté sa femme. De l’autre, nous avons Angélique (et sa servante), qui, après avoir subi chacune la loi et la domination des hommes (père, mari, amants) revendiquent désormais le droit à disposer d’elles-mêmes.

Dandin se plaint du comportement de son épouse, mais ne cherche pas à la comprendre, enferré qu’il est dans sa norme. Il ne développe, par ailleurs, aucune stratégie pour s’intégrer au cercle de sa belle-famille, qui pourrait éventuellement le soutenir. Tout ce qu’il cherche, naïvement, pathétiquement, est que l’on reconnaisse son infortune. C’est cette stagnation, qui va de plus en plus l’isoler, avant de le précipiter dans le gouffre.

Il s’est éloigné de lui-même en pensant faire abstraction du champ social dont il est pétri. Dans la séquence de la porte fermée, Dandin-le geôlier est à l’intérieur, et Angélique-la soi-disant captive est à l’extérieur ! D’un bout à l’autre de la pièce, Dandin restera le prisonnier de ce qui lui échappe.

Est-ce une tragédie pour autant ? Certes pas; car on rit en permanence de l’infortune ou du désespoir de celui qui vit son drame et presque tous les personnages sont concernés. Pour parler familièrement : on est toujours le pauvre ou le con de quelqu’un ! Ce n’est qu’après avoir ri, qu’on se demande si on a bien fait et c’est le piège que tend Molière au spectateur !

Avec Laurence Chapellier, la créatrice des costumes, nous voulions marquer le XVIIème siècle, parce qu’il nous semblait important de savoir d’où on partait, pour ensuite laisser courir notre imagination. Notre arrivée dans la Salle en Bois du Théâtre de l’Epée de Bois a prolongé notre désir, qui est à la fois de représenter la beauté et la profondeur.


Un excellent spectacle qui laisse sourdre le cauchemar que subit Dandin mais n’oublie jamais le rire.
LE FIGARO – Armelle Héliot

Un spectacle grinçant et drôle qui montre avec éclat le génie dramatique de Molière.
LA TERRASSE- Catherine Robert

Avec une patience et une humilité d’artisan rompu au polissage de texte, Patrick Schmitt façonne le classique [George Dandin] pour en faire un petit bijou. – LES TROIS COUPS – Elisabeth Hennebert

Une mise en scène de Patrick Schmitt, sobre, sans gras, mais intense et humaine.
THEATRE DU BLOG – Christine Friedel

SOUS-SOL

Un homme regarde la façade d’une maison en traversant la rue et manque de se faire renverser. Pour l’aider à se remettre, l’habitant de cette maison, qui l’observait, lui offre un verre. Un dialogue s’engage. Qui est donc cet homme qui recherche sa femme, qui est cet habitant qui l’écoute et lui pose des questions ? Se connaissent-ils ? Se reconnaissent-ils ? La tension monte au rythme des confidences et des révélations. L’aveu final trouvera sa résolution : le sous-sol.

L’une des pièces les plus «noires » du grand auteur catalan Benet i Jornet. Une réflexion sur le mal en forme de thriller. Ecrite en 2006, elle fait partie -avec Deux femmes qui dansent, créée par la compagnie l’an dernier, et Comment le dire ?, que la compagnie créera en 2018-, d’une trilogie de pièces à deux personnages de Benet i Jornet. L’ambition d’Hervé Petit et de la cie La Traverse est de présenter ultérieurement réunies ces trois palpitantes intrigues dramatiques.

CIRCULEZ!

Accident matériel, accident corporel, accident originel !

Circulez, il n’y a rien à voir ! Oui, Monsieur l’Inspecteur aurait aimé qu’au moment de l’accident matériel les lieux soient accessibles, que tous ces gens qui s’agglutinent autour du véhicule dégagent. Que Les passants passent, et ne s’inquiètent pas de savoir, combien y a-t-il de blessé ou de mort. Que ces derniers ne cherchent pas à connaître si la victime est un proche parent, ami ou allier.

Monsieur l’Inspecteur voudrait simplement que les accès soient libres, pour laisser passer les services de secours : pompiers, police, gendarmerie puissent faire leur travail en toute sécurité. Exactement, comme cela se passe dans le « pays en dehors » où monsieur l’Inspecteur à appris son métier. Un pays où semble-t-il, chaque chose est à sa place. Où les us et les coutumes sont millénaires. Un pays   où les règles sont définitivement ÉTABLIES.

 Oui mais, monsieur l’Inspecteur est ici, il n’est pas d’ici. Il est peut-être resté trop longtemps dans son « pays en dehors », il ne connait plus le « masko ». Car dans le pays où monsieur Chofwa et son papa ont eu leur accident, les choses sont DIFFÉRENTES… SPÉCIFIQUES. Dans ce pays, n’allez pas chercher les causes d’un accident matériel ou corporel, uniquement sur les lieux de ce dernier. Pour trouver les raisons, il faut remonter loin loin loin, jusqu’à l’accident originel, c’est-à-dire celui qui a fondé ce peuple.

 Mais, c’est beaucoup de chemin à parcourir. Alors, fuyons ! « mawonons », « maskotons ! » L’estomac de l’inspecteur ne serait peut-être pas assez solide, pour suivre Chofwa à travers tous ces chemins chiens. Ce dernier lui dit qu’il a vu un « mofwazé » aller et venir près de son père lorsqu’il était couché sur le brancard. En même temps un bœuf a traversé la route, puis un véhicule 4X4 est venu marcher sur le corps de son papa.

 Nous sommes là, dans la tradition et la modernité, dans le réel et l’absurde, dans le rationnel et l’irrationnel, dans le rire et le délire… Ici, dans ce pays. CIRCULEZ ! Car tous nous avons quelque chose à voir, dans cette pièce.

 Si ensemble nous essayions de reconstituer notre Accident, peut-être que nous trouverions ses vrais raisons et nos morts pourront vivre sereinement dans l’au-delà!

LA FILLE DE MARS

Sur le champ de bataille, une femme qui fut reine des Amazones, Penthésilée, raconte sa rencontre avec Achille et leurs corps engagés dans une guerre amoureuse. Par la force de sa parole se rejoue la tragédie de cette femme déchirée entre la culture qui l’a façonnée et la brûlure incandescente du premier homme.

JE SUIS VOLTAIRE…

D’où vient l’idée de faire un spectacle sur Voltaire ?

Traité sur la tolérance, je ne l’avais jamais lu. Je l’ai découvert sur une photo, celle de Xavier Testelin, après les attentats de janvier. On voit le Traité sur la tolérance déposé par une main anonyme sur un autel improvisé, au milieu des fleurs et des bougies. J’ai lu le Traité bien sûr, comme beaucoup, après ce choc. Je me suis rendu compte qu’en fait, je ne connaissais pas Voltaire. Voltaire était là, dans mon héritage, au rang des figures tutélaires, mais je ne le connaissais pas vraiment. Je me suis donc intéressée de plus près à tout ce qu’il a écrit, à cet esprit voltairien, qui a nourri l’esprit de la Révolution, qui a contribué à ce bouleversement en profondeur de la société. Aujourd’hui ce bouleversement, ces idées nouvelles sont un acquis, on vit ça comme un acquis, on dort sur cet acquis, on ne se pose plus de question. D’où l’envie de faire un spectacle sur l’esprit de combat qu’avait Voltaire.

Et donc, c’est un texte de Voltaire ?

Non, c’est un texte à propos de Voltaire. J’ai fait un atelier de recherche, pendant six mois, avec de nombreux comédiens. Nous avons traversé toute son œuvre. C’est gigantesque, c’est fascinant ! Mais que reste-t-il en nous de cet esprit de révolte ? Voltaire, c’est la figure du combat contre le fanatisme, dans le monde entier, mais nous, là, aujourd’hui, on fait quoi ? À travers lui, c’est notre relation au combat qui se pose.

Voltaire a beaucoup écrit pour le théâtre, une cinquantaine de pièces, et il n’y en a pas une qui raconte ce que vous voulez dire ?

Il a écrit Mahomet, une pièce sur le fanatisme, mais ce n’est pas cet aspect là que je souhaite interroger, c’est plutôt notre rapport à lui, à ce qui reste en nous de sa faculté de combat.

Et le siècle où il a vécu, le 18ème siècle, qu’est-ce que ça représente pour vous ?

C’est une époque fondatrice, une époque flamboyante, une époque très dure finalement, avec l’Inquisition qui a un pouvoir dévastateur, criminel. Et nous allons inventer la Révolution… On vit encore là-dessus, on parle des Droits de l’Homme dans le monde entier, mais nous, on en fait quoi ? Tout le 18ème siècle prépare la Révolution, c’est intenable, les gens n’en peuvent plus du pouvoir, absolu, tyrannique, de droit divin, avec l’Inquisition… donc il va y avoir un bouleversement mondial et nous allons être à la base de ce mouvement… en gros, on vient de là…

Qu’est-ce que raconte le spectacle ?

C’est une quête, c’est la recherche d’un état d’esprit, d’un esprit de rébellion. Il y a donc une journaliste qui part à la recherche de cet esprit voltairien et elle interroge plusieurs personnes à ce sujet. Y a-t-il quelque chose en nous de Voltaire ? Ou est-ce que c’est juste le nom d’un boulevard, d’une statue, d’un lycée ?

Quel est le lien entre Voltaire et les attentats ? Qu’est-ce que raconte le Traité sur la tolérance ?

Il analyse la montée du fanatisme et de l’intolérance dans l’histoire, le retour cyclique de ces fléaux. Il fait une analyse critique du fanatisme chrétien et de l’Inquisition. L’Inquisition qui avance main dans la main avec le pouvoir royal. L’Inquisition qui ne peut pas tuer puisqu’elle est catholique et chrétienne, d’où son alliance avec le pouvoir. Pour que le pouvoir tue à sa place. Pour que le pouvoir permette de tuer, pour que le pouvoir permette de torturer ! Comme exemple de fanatisme, on peut difficilement trouver mieux.

Et donc un lien avec Daesh ?

Oui, c’est un pouvoir qui tue au nom de Dieu, comme le faisait l’Inquisition. L’abolition de l’Inquisition, ce n’est pas vieux ! En Espagne, elle n’est abolie définitivement que depuis 1864…

Vous avez écrit le texte du spectacle ?

Oui, je l’ai écrit et j’ai aussi transcrit de «l’oralité», des propos qui sont dits aujourd’hui sur tous les sujets dont traite le texte. C’est une évolution par rapport au travail que je fais depuis 2002, sur «l’oralité» du théâtre-documentaire. Voltaire est très souvent cité dans le spectacle, mais il y a aussi ce qu’on dit ou ce qu’on pense aujourd’hui. « Lisez-moi ! » pouvait-on lire sous des dessins de lui, après les attentats, c’est cette spontanéité politique que je souhaite transcrire, j’espère aussi que ça donnera envie au public de le lire, de le relire…

Il y a un personnage qu’il s’appelle Ézéchiel ? C’est quoi le lien avec les attentats, Ézéchiel, Voltaire…

Voltaire lisait la Bible. Il critiquait le pouvoir de l’Inquisition mais il savait de quoi il parlait. Il lisait la Bible tous les jours. Quand il vivait avec Émilie Du Châtelet, tous les matins, ils faisaient une étude critique. Ce qui était absolument subversif : il était hors de question de faire une analyse critique de la Bible. C’est une chose que certains lui reprochent encore aujourd’hui… Ézéchiel, c’est un prophète « sacrificateur », effrayant ! Un tueur, à qui Dieu parle – en direct – des turpitudes de certaines de ses créatures humaines qu’il faut exterminer. Ézéchiel, il est envoyé par Dieu pour bousiller pas mal de gens…

Est ce que le spectacle est une sorte de mode d’emploi pour se battre ? Pour les jeunes… Pour se mettre dans un contexte de lutte…

Il n’y a pas que les jeunes qui doivent se battre ! Un mode d’emploi, non, c’est plutôt un questionnement sur notre capacité à lutter et à combattre certaines idées dominantes… Lui, quand il commence son combat pour Calas, il n’est pas jeune, il a soixante-cinq ans, il ne s’arrêtera pas, c’est la mort qui l’arrêtera, à quatre-vingt-quatre ans.

Qui pourrait être Voltaire actuellement ?

Personne ! Il faudrait quelqu’un qui soulève l’opinion de la Russie, de l’Amérique, de la Syrie, de l’Europe, et qui se battrait seul pour la tolérance, pour les réfugiés… Si on faisait un rêve ?

Donc Voltaire, vous l’invoquez ?

C’est une icône, j’ai préféré ne pas en donner une représentation, ce serait réducteur. Il a toujours vécu en exil, rejeté, mis en taule, repoussé, il était vécu comme insupportable par le pouvoir et par d’autres, et pourtant tellement célèbre ! Il a fui toute sa vie, sauf à la fin, avec son retour en triomphe à Paris, et chacun de nous à son idée de Voltaire, qu’elle soit juste ou pas. Je crois que l’imagination du spectateur est plus forte que toute représentation qu’on peut faire de lui…

Il y a deux parties dans votre spectacle, la première, c’est son grand amour pour Émilie Du Châtelet et la seconde, c’est son combat contre le fanatisme ?

Oui, la première partie évoque l’amour fou de ce couple mythique, Émilie Du Châtelet, c’est la femme de sa vie, il le dit « j’ai rencontré une âme pour qui la mienne était faite», elle va mourir à quarante-quatre ans… C’est un amour mythique : elle est aussi exceptionnelle que lui. La seconde partie du spectacle évoque ses combats, son combat contre l’Inquisition, au travers de l’affaire Calas, l’affaire du Chevalier de la Barre…

Vous citez Voltaire dans le spectacle : « Les femmes sont les égales des hommes, elles peuvent même leur être supérieures », il a tout de même écrit aussi que le seul défaut des femmes, c’est justement qu’elles soient femmes !

C’est de l’ironie… Il écrit ça juste après la mort de Madame Du Châtelet, cette mort qui l’a mené au bord de la dépression. Quand il dit qu’elle n’avait qu’un défaut : c’était celui d’être une femme, c’est le comble de l’ironie. Toute sa vie, l’ironie a été son bras armé, il l’a dit : « j’écris pour agir », pour attaquer le conformisme, la bien-pensance, la tyrannie…

Émilie serait le double de Voltaire ?

C’est complètement son double, il a trouvé son double. Il le dit tout le temps. Et en plus d’être l’amour de sa vie, Émilie Du Châtelet est sa partenaire intellectuelle, elle est la première scientifique française, elle va traduire Newton, elle lit le latin couramment, et elle va travailler avec Voltaire à la propagation des idées de Newton. Elle va traduire les lois de la gravitation et elle va en donner connaissance à la France, à l’Europe entière…

Newton écrit en latin ?

Le latin, c’était l’anglais d’aujourd’hui, la langue qu’on parlait et qu’on écrivait dans toute l’Europe, pour se comprendre. Donc Newton écrit Principia Mathematica, et pour bien le traduire, Émilie Du Châtelet apprend les mathématiques, elle apprend les algorithmes, elle devient extrêmement savante, et elle va comprendre les lois de la gravitation ! Mais c’est aussi une femme qui a un fort tempérament et qui prend pour amants ces savants avec qui elle apprend les mathématiques. On parle d’elle depuis le livre d’Elisabeth Badinter, mais elle n’a pas encore la notoriété qu’elle devrait avoir.

Donc elle existe en tant que personnage ?

Oui, elle traverse le temps pour venir nous parler de Voltaire et pour répondre à la journaliste qui veut faire un portrait d’elle. Elle et Voltaire formaient un couple de stars, on les observait, des témoins oculaires ont raconté leur vie privée, ils travaillaient tous les deux comme des brutes mais leur vie était réglée, après une journée de recherches scientifiques, ils faisaient du théâtre, ils rassemblaient tous les gens alentour, ils chantaient des opéras, ils apprenaient leurs rôles…

Il y a une jeune femme qui entre dans la salle, au début du spectacle, une jeune Française fanatisée ?

Elle intervient surtout dans la deuxième partie. C’est une jeune fanatique qui n’a pas pu aller au bout de sa mission, qui n’a pas réussi à faire un attentat. C’est une jeune Française, d’un milieu moyen, tout ce qui a de plus banal. J’ai beaucoup lu, beaucoup vu de vidéos avant de pouvoir représenter ce personnage, qui est une énigme… Comment germent ces idées dans la tête de ces jeunes gens ? Ces idées se développeraient parce qu’ils sont en manque d’idéal ? Comment peuvent-ils avoir un idéal de mort ? Croire à un idéal de mort ? C’est une énigme… Et pour moi, il y a une symétrie entre ces fanatiques de Daesh et les fanatiques chrétiens combattus par Voltaire.

Dans la seconde partie intervient un personnage qu’on n’a pas encore vu, le professeur émérite ?

Oui, la jeune fanatisée arrive pour être encadrée par le professeur émérite. C’est son tuteur. Je me suis inspirée des tutorats qui sont mis en place au Danemark, pour les jeunes gens qui reviennent de Syrie. Au Danemark, on fait des tentatives pour « déradicaliser » ces jeunes gens, par des moyens autres que la prison. Il y a donc des tuteurs volontaires, la police considère ces tutorats comme beaucoup plus efficaces et moins onéreux que la prison, avec un meilleur taux de réussite. Notre tuteur à nous, c’est un spécialiste de Voltaire, il est devenu professeur, parce qu’il est passé par l’Université de Vincennes, en 68, quand les travailleurs pouvaient entrer à l’Université sans avoir leur bac. Lui, à l’époque était camionneur et il a pu devenir historien… Sa vie personnelle fait qu’il est particulièrement touché par les dégâts du fanatisme, il a donc entrepris ce tutorat, pour participer à la « déradicalisation » de ces jeunes gens.

Vous m’avez parlé de l’Ézéchiel de la Bible et de Voltaire, mais pourquoi y a-t-il un personnage qui est un ange et qui s’appelle Ézéchièle, au féminin, dans le spectacle ?

Je me suis inspirée du conte de Voltaire : Le monde comme il va, où l’ange Ituriel est envoyé par Dieu pour voir s’il va engloutir Babylone afin de punir les hommes de leurs turpitudes. J’ai imaginé un mixte féminin fantastique, c’est un ange féminin, une « Ézéchièle », qui s’incarne dans la réalité, et qui vient rencontrer les humains : c’est l’assistante de la journaliste. Elle a tous les droits, elle est en relation directe avec le ciel, tout en étant terriblement humaine, va-t-elle dire à Dieu qu’il faut nous engloutir ?

En fait, c’est la journaliste qui provoque la rencontre de tous ces personnages ?

Elle est comme la majorité des Français, elle n’avait pas lu le Traité sur la tolérance avant qu’il ne devienne un best-seller, après les attentats de janvier 2015, et elle décide de partir à la découverte de tout ce qu’elle ne sait pas de Voltaire. Et puis elle fait une série de portraits de femmes remarquables, Émilie Du Châtelet en est une !

Il y a ce personnage qui ouvre et qui ferme le spectacle ?

Oui, c’est un jeune homme qui vient d’obtenir la double nationalité, un Franco-Algérien, lui aussi est historien et traducteur. Ce jeune homme a un grand projet : traduire toute l’œuvre de Voltaire en arabe, ce qui n’a pas encore été fait. Comme Émilie Du Châtelet qui traduit Newton pour diffuser son œuvre, il veut diffuser la pensée de Voltaire en traduisant tous ses textes en arabe…

Le texte qui clôt le spectacle est un hymne à la nature ?

C’est le dernier texte du Traité sur la tolérance. On dirait un texte prémonitoire, Voltaire conseille aux hommes d’être tolérants entre eux, mais aussi avec la nature, de la respecter, au risque de voir tout s’effondrer, s’ils la saccagent… «C’est moi, la nature, seule, qui, dans une nation, arrête les suites funestes de la division… Il y a un édifice immense dont j’ai posé le fondement de mes mains : il était solide et simple, tous les hommes pouvaient y entrer en sûreté; le bâtiment tombe en ruine et de tous les côtés; les hommes en prennent les pierres, et se les jettent à la tête; je leur crie : Arrêtez, écartez ces décombres funestes qui sont votre ouvrage, et demeurez avec moi en paix dans l’édifice qui est le mien.»

LES NOCES DE BETÌA

Le jeune Zilio est désespérément amoureux de la jolie Betὶa. Pour la conquérir, il demande l’aide de son ami Nale, prétendu expert en séduction…

Dans ce texte fondé sur le plaisir de la palabre et les numéros d’acteurs, Ruzante, comme son contemporain Rabelais, fait feu de tout bois pour parodier les controverses philosophiques et religieuses, railler tous les dogmatismes et chanter un hymne irrévérencieux au corps et à la liberté.