Aimer, c’est se mettre sous la coupe de l’autre ; être aimé, c’est avoir tout pouvoir sur l’autre, c’est le «posséder»…
Drôle d’histoire, drôle de manipulation. Et drôle d’atmosphère paradoxale que celle de ce théâtre marivaudien, qui semble suspendu dans un entre- deux onirique et qui, pourtant, met en scène avec une confondante minutie le comportement d’êtres humains qui nous ressemblent étonnamment dans leurs élans et leur naïveté comme dans leurs rodomontades et leurs insignes faiblesses.
Une Iliade rock au féminin.
Briséis – la captive d’Achille, sa préférée, celle qu’il aurait épousée peut-être si les dieux ou le destin n’en avaient décidé autrement – raconte ce qu’elle a vu, ce qu’elle a vécu à Troie.
Princesse devenue butin de guerre, enjeu de l’Iliade elle-même, puis oubliée…, comme les peintures murales de l’époque mycénienne, Briséis est sur le point de tomber en poussière. Contre l’oubli, elle prend la parole…
Jean Racine, portant au plus haut degré de perfection la tragédie française de son époque, traduit magnifiquement l’humanité, la vérité et l’ambivalence de ses personnages.
Un comédien, une chanteuse et un luthiste, à la lueur des bougies, font entendre la poésie et le lyrisme des passions humaines selon Racine. Airs amoureux, passions tragiques ou grands récits, chantés et déclamés selon les codes baroques nous touchent profondément.
Depuis le XVIIe siècle, le personnage de Tartuffe est synonyme par excellence d’hypocrisie, et si son succès ne s’est jamais démenti, c’est que nous sentons bien que l’hypocrisie nous concerne tous, dupes et mystificateurs que nous sommes tour à tour.
Le texte de Veronese est une véritable déflagration; la souffrance, la mélancolie sont toujours là mais laissent la chair à vif et l’enchaînement rapide des événements provoque la dérive du continent tchekhovien.
Deux sœurs largement sexagénaires…
Deux conceptions opposées de la vie…
Des échanges tendres et rudes qui nous parlent d’âge avancé et de passion, de solitude et d’amitié, de déracinement et d’enracinement…
Istvan Örkény nous parle de la vie, quoi!
Et avec délicatesse, humour et cruauté, il nous fait osciller du rire aux larmes avec virtuosité.
Istvan Örkény (1912-1979) est un auteur hongrois.
Dans ses écrits se mêlent Absurde et Grotesque.
Ses deux pièces traduites en français, La Famille Tot et Le Chat et la Souris sont créées en France dès 1968. Elles obtiennent le prix de l’Humour Noir en 1971.
En chacun d’entre nous sommeille un Ubu, notre Ubu. Il est là, tapi au plus profond de nous-mêmes. Nous, comédiens, apprenons par cœur les mots que le Poète nous a légués ; nous les répétons sur le plateau et, chaque fois que nous les prononçons, avec la plus grande intensité possible, un sens nouveau jaillit et vient alors annuler tout ce que nous croyions savoir du texte.
Le texte opère comme un révélateur des milliers de personnages que nous pourrions être dans la vie quotidienne.
Il nous permet de devenir celui ou celle que, peut-être, nous ne serons jamais, mais qui pourtant demeure au plus profond de nous. Il nous arrive de prétendre, après quelques mois d’étude, avoir compris le message de l’auteur. Des chercheurs l’étudient pendant de longues années et écrivent même des thèses sur lui. Mais le comédien a la certitude qu’à chaque fois qu’il est sur scène, toutes ses convictions se dérobent en même temps qu’il exhale le mot.
Nous pensons parfois que nos Maîtres, qui ont déjà monté la pièce, ont fait la bonne interprétation du fameux : « De par ma chandelle verte ! » Alors, humblement, nous tâchons de suivre leurs pas. Mais hélas, la phrase nous reste aussi inconnue qu’un soupir qui viendrait subitement casser le rythme de la respiration.
Alors le comédien continue à se préparer, en silence, et avant de monter sur le plateau, il dit aux Dieux du théâtre : «Que votre volonté soit faite», en sachant que ces Dieux séjournent dans l’Olympe de notre Enfance, où se trouve la réelle interprétation du texte, qui ne sera «authentique» que durant le temps où le comédien prononcera le mot.
Le comédien-enfant, aidé du texte du Poète, deviendra alors le Roi de l’immense et merveilleux royaume de son propre imaginaire.