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LES MISÉRABLES

« Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale […] des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. » Préface des Misérables de Victor Hugo

Adapter les Misérables, œuvre colossale, quelle belle gageure pour un metteur en scène. Comment réussir à donner à vie à 1800 pages, en 1h50 ? Comment représenter à leur juste valeur les scènes des barricades, de l’auberge, de l’usine, de Montreuil-sur-Mer, le tout en respectant et en faisant honneur au génie hugolien ? Depuis plusieurs années, tel a été le travail en profondeur de Manon Montel : écrire et mettre en scène cette épopée mythique, cette saga jalonnée de douleur et d’espérance, ces différents chemins de la vie si bouleversés et bouleversants.

Après les différents films, et la fameuse comédie musicale, il fallait trouver une marque, une empreinte particulière pour ce spectacle. Le choix s’est porté sur Madame Thénardier. Interprétée par une comédienne accordéoniste, elle devient la narratrice de la pièce. Sa gouaille populaire apostrophe le public, cassant ainsi le quatrième mur.

La mise en scène s’est construite à partir du paradoxe hugolien : confronter le grotesque et le sublime, balancer entre le bas et le haut, suivre le parcours individuel et le destin d’une nation. Grâce à la faculté de travestissement des artistes de la distribution, la totalité des personnages clés est incarnée sur scène et avec eux le microsome de leur société : le peuple victime sous les traits de Fantine, le peuple bourreau avec le couple des Thénardier, l’impitoyable justice des hommes avec l’Inspecteur Javert, la justice clémente, rêvée et idéalisée par Hugo en Monseigneur Bienvenue, la bourgeoisie déchue de l’avant Révolution Française en Gillenormand, l’avenir de la patrie avec les étudiants révolutionnaires Enjolras, Courfeyrac, Jean Prouvaire… et le mythique gamin de Paris, Gavroche, symbole de la misère et de la lumière, qui aspire à deux choses : « renverser le gouvernement et faire recoudre son pantalon ». Au centre de cette tourmente, l’amour de Cosette et de Marius reste inébranlable. Les spectateurs assistent à cette fresque titanesque et suivent Jean Valjean à la fois emblème universel de l’Homme en quête de rédemption et figure intime d’un père déboussolé face à sa fille.

La scénographie reprend cette dualité en délimitant deux espaces modulables. L’histoire passe d’un monde à un autre, d’un appartement bourgeois à une auberge, de la rue Plumet à la prison… Par cette simplicité dynamique, la trame se déroule de manière cinématographique en fondu enchaîné. La mise en scène illustre le
langage d’Hugo et glisse d’un registre à un autre : des envolées lyriques du café de
l’ABC à la saveur des joutes entre Marius et son grand-père, le tout saupoudré des refrains et complaintes populaires.

 

Extraits de presse

Le résultat est puissant et boulversant
L’Express

Il peut paraitre étonnant de traiter en 1h50 seulement le chef d’oeuvre de Victor Hugo et c’est pourtant chose réussie ! Une adaptation aussi audacieuse qu’excellente !
Le Figaro

Réduire un roman de 2000 pages à un spectacle d’une heure et cinquante, voilà une compression digne de César. Servie par d’excellents comédiens, Manon Montel, qui signe l’adaptation et la mise en scène, accomplit avec brio cette mission impossible. Tant et si bien que, même si l’on a déjà lu et vu Les Misérables à satiété, on se laisse prendre.
L’Obs

La mise en scène de Manon Montel gravite autour des personnages comme si elle était en train de les peindre au pinceau. Les tableaux d’une véritable beauté (Il faut saluer la costumière) palpitent sous une lumière très maîtrisée. Le spectacle, servi par d’excellents comédiens, impressionne.
Le Monde

Dans cette confrontation entre le grotesque et le sublime la symphonie hugolienne est à nouveau au rendez-vous. Avec des êtres ordinaires, des gentils et des méchants, des horribles et des pervers. Comme dans la vraie vie. Et c’est pour cela, aussi, que l’on y croit.
L’Humanité

LE DOUBLE

Cette adaptation du deuxième ouvrage de Dostoïevski, Le Double, est un projet auquel je pense depuis plus de 20 ans !
Ce qui m’a toujours passionné dans « Le Double » de Dostoïevski c’est la combinaison du tragique et du comique. Le petit fonctionnaire Goliadkine dans ses magnifiques monologues prête à rire et à pleurer. On a véritablement affaire à un personnage de théâtre, bien vivant, qui exprime son mal être, sa solitude, sa mesquinerie et sa frustration dans une superbe langue, très proche de l’oralité, très bien rendue par le traducteur.
Dostoïevski est aussi un romancier et il ne se prive pas de le montrer par de très belles descriptions sonores et visuelles comme l’orage sur St Pétersbourg qui surprend le pauvre Goliadkine chassé de la fête donnée par le conseiller d’état Olsoufi Bérendéiev. Ce qu’on essaiera de rendre par un film très musical. C’est dans ce déluge d’images et de bruits que Goliadkine, tout près du suicide, rencontre son double .

Fidèle à mes travaux précédents, le film va une nouvelle fois rencontrer le cinéma. Le cinéma que je mêle depuis toujours au théâtre offre dans cette perspective un double aspect : celui de représenter à la fois le réel et le rêve.

Le monde de Goliadkine est effectivement beaucoup un monde de fantasmes . Godliadkine se construit sa propre réalité et la provoque d’une certaine façon pour après s’en plaindre. Il veut entrer « dans ce film-là » celui de la haute société où sait si bien évoluer son double. Il dénigre la facilité, l’habileté, la duplicité de « l’intrigant » tout en l’enviant car lui ne sait pas s’y prendre.
Goliadkine a ainsi son double à l’écran, un double qui est Dostoïevski lui-même qui s’amuse de son personnage, le commente, le désavoue, le ridiculise et parfois l’étreint comme un frère. Nous sommes tous un peu des « Goliadkine » souffrant de ne pas être reconnus, de ne pas être à notre place.

Sur la scène, le même comédien interprètera Goliadkine et son double.
Ce qui est fascinant (on l’espère pour le spectateur) et exaltant pour le comédien c’est de donner à voir l’invisible. Faire exister par la force du regard, la précision du geste une personne absente. La confrontation entre les deux personnages doit faire illusion. Comment remplir le vide, lui donner vie ? Des questions troublantes et passionnantes pour un comédien et un metteur en scène.

L’action principale est la relation entre le petit fonctionnaire et son double ; j’ai ainsi éliminé les diverses lettres échangées et réduit le nombre des protagonistes. Parmi eux, j’ai privilégié Guérassimytch, le vieux serviteur du Conseiller d’État. Il est la figure paternelle qui se penche avec tendresse sur les désarrois du petit fonctionnaire, rêveur, solitaire et tragiquement comique.

L’autre grande question que soulève l’ouvrage est celle de son ambiguïté. Est-ce un récit fantastique ou une hallucination ? Ce récit a donné lieu à de multiples interprétations contradictoires. C’est un des ouvrages de Dostoïevski les plus commentés.
Dostoïevski lui-même, semble en effet ne pas avoir choisi.
Une troisième option pouvant être celle d’être « un grand rêve »
C’est celle que j’ai choisie.

Henri Gruvman

ÊTRE VIVANT – Paroles des oiseaux de la terre

Au lever du jour, une cabane nomade est arrivée sur le plateau du théâtre et semble s’animer toute seule. Des poules entrent en scène. La clowne Fourmi est juste là pour les accompagner. Elles ont quelque chose d’essentiel à partager avec le public. Fourmi ne sait pas comment cela va se manifester, ni à quel moment. Dans cette attente, Fourmi trouve des espaces de parole pour raconter son histoire et partager avec les poules de surprenants moments de vie et de jeux. Ouvrant un espace sonore drôle, et intriguant, elle dialogue avec elles pour questionner notre monde, tout en questionnant le leur et le regard que nous leur portons. Chaque instant devient précieux. Nous sommes suspendus à ces petits êtres à la présence étonnante sur scène, qui nous touchent, nous surprennent, nous questionnent. Et on ne sait jamais vraiment comment ça va se passer… Fourmi fait le lien entre le monde humain et le monde animal, entre le plateau et le public. Par sa sensibilité, elle témoigne d’un lien d’affection, de leurs chemins respectifs qui se croisent et font écho au monde actuel. Une façon de porter un regard d’égalité, loin des préjugés. Il ne s’agit pas de « dressage », mais de collaboration. Tout est basé sur le plaisir que les poules peuvent éprouver au travers de la relation avec l’humain, et parle jeu. Nous nous adaptons à leurs rythmes et à leurs envies, à leur personnalité. C’est par un lien de confiance mutuelle, et de respect profond tout en privilégiant leur bien-être que nous arrivons à œuvrer ensemble. A partir d’un texte de François Cervantès, et faisant suite à une fructueuse collaboration avec Catherine Germain et Emmanuel Dariès, cette création laisse le « vivant » s’épanouir sur le plateau, avec toutes ses maladresses, ses imperfections, et ses « coups de théâtre », qui convoquent le rire, et l’étonnement de l’enfance.

QUATRAINS DE LA ROSE

Une méditation

Dans une ambiance tamisée, une douce pénombre favorisant un état méditatif, sur une musique originale de bols chantants, envolées cristallines, doux grondements et infinis reflets sonores du silence, apparaissent, l’une après l’autre, près de deux cent-cinquante fleurs. Montées sur vidéo, les fleurs photographiées semblent tour à tour éclore dans leur simple apparition.
Toutes très différentes, évoquant l’épanouissement ou le fané, le dessèchement ou l’humide, la féerie, la danse, l’étrange, le craquement et le flamboiement, la nostalgie, l’espièglerie et le jeu…, toutes les dix secondes environ, sur un mur lisse, un drap ou un écran, une fleur paraît ; elle, et peut-être son histoire, mais surtout, sa présence.

Un véritable Bain de Beauté
Dans cette atmosphère où l’esprit voyage et les sens se nourrissent des parfums musicaux de la beauté, une voix tantôt s’élève, une voix de femme, qui laisse entendre de très courts poèmes, extrêmement rythmés, des quatrains. La nature de ce rythme est si organique qu’elle passe quasi inaperçue tant elle rejoint le souffle et son harmonie primale.
Ce que cette femme dit est l’histoire, par simples bribes et résonances, du corps en sa blessure et d’une rencontre avec les fleurs, la Rose en particulier.
Tantôt vient s’y mêler la voix de l’homme, à laquelle elle s’unit le temps d’un chant.
C’est donc à un véritable bain de beauté, de perceptions et d’expressions mêlées, à un chant plus qu’à un dialogue, que le spectateur est convié.