La Compagnie Bernard Sobel vous invite à une rencontre autour d’une œuvre écrite il y a près de deux siècles par un tout jeune homme, Christian Dietrich Grabbe, encore largement méconnu en France. Fou alcoolique, «minus psychomaniaque», «prétentieux grossier», pour les uns, «cannibale littéraire», «météore déréglé» pour d’autres, il fut admiré par Brecht et Jarry, captivé, traduira l’une de ses œuvres.
Dès cette première pièce, Théodore, duc de Gothland, un des plus grands poètes de son temps, Heine, parle de «génie» et le qualifie avec admiration de «bête sauvage et poétique». Dans le vacarme du vent et les cris des naufragés, une mer déchaînée lance sur les rivages d’Europe des peuples venus venger mépris, oppression et pillages longtemps subis.
Celui qui les conduit de massacres en incendies, Berdoa, le « nègre », demi mort ressuscité par la haine et le désir de vengeance, ne veut pas seulement détruire matériellement ce monde exécré, blanc et chrétien, qui l’a réduit en esclavage au prétexte de sa couleur de peau, lui déniant ainsi son humanité. C’est à une civilisation qu’il s’attaque, au socle même d’un ordre moral, social et politique qui se prétend supérieur aux autres.
Son combat prendra la forme d’un duel ; son adversaire : Théodore, duc de Gothland, héros national, époux et père exemplaire, fils respectueux et frère affectionné. Au terme du combat, il ne restera rien de cette construction qui faisait l’identité, l’humanité d’un homme.
Frère voyant de Rimbaud et de Freud, Grabbe, avec cette œuvre, nous permet de réfléchir, en dehors de toute «morale», sur ce qui fonde ce qu’on appelle la civilisation, si peu naturelle et si fragile, si contestable et si précieuse. M. R.-D.
La rencontre à laquelle nous vous convions, Le poème théâtral, la violence et le genre humain, permettra, nous l’espérons, d’aiguiser la curiosité et l’envie de connaître un peu mieux ce géant de la littérature allemande, bateau ivre prématurément fracassé.