Archives pour la catégorie se joue en Février 2025

ROMÉO ET JULIETTE

Note de mise en scène

La mise en scène s’axe sur la problématique de la fatalité : sommes-nous les jouets de la Fortune ou pouvons-nous avoir une emprise sur notre Destin ? Le déterminisme est inscrit dans le ciel. Il y a un parallèle constant entre la passion de Roméo et Juliette, et le cosmos. Que peuvent les amants contre les étoiles ? Privilégiant la lutte de l’Homme face au Destin, à celle des Montaigu contre les Capulet, l’adaptation resserre l’action sur les 6 personnages principaux : Juliette, Roméo, Mercutio, Tybalt, la Nourrice et Frère Laurent. Il y a ceux qui refusent et ceux qui subissent.

Combattre la fatalité c’est combattre le temps. Tout arrive trop tôt ou trop tard. Le hasard semble se jouer ironiquement des desseins des hommes. Le tragique repose sur cette inadéquation entre les hommes et le temps, alors que ceux-ci (notamment Frère Laurent) ont la prétention de le maîtriser. Ce cycle infernal est incarné par un 7ème personnage : la musique. Composition originale de Samuel Sené pour violoncelle, accordéon, guitare et voix, elle met en miroir les rythmes dansants et funèbres. Une ritournelle, dramatique et pleine d’espoir, s’invite dans les scènes du bal et du caveau.

Si l’adaptation assume les libertés prises par rapport à une traduction classique, elle n’en a pas moins respecté scrupuleusement la confrontation des registres si chère à Shakespeare : les envolées lyriques des amants croisent les trivialités de Mercutio, qui attirent les jurons de la Nourrice. La langue du texte alterne entre grivoiserie et poésie, comédie et tragédie, réalisme et fantastique. L’expression du corps souligne aussi ce jeu de contraste. Deux danses représentent de manière symétrique la nuit de noces et la mort des amants, l’union de l’amour et du macabre. A l’annonce du décès de Juliette, le père Capulet associe inconsciemment la mort à Roméo : « La mort a défloré ma fille ».

L’absence de décor révèle l’importance des quelques accessoires : le linceul (métaphore filée de la vie), le poignard, le poison. A l’instar de statues, les personnages sont dessinés par les costumes et les lumières qui les révèlent et les contraignent.

Manon Montel

 « C’est une belle nature mais bien sauvage, nulle bienséance, de la bassesse avec de la grandeur, de la bouffonnerie avec du terrible ; c’est le chaos de la tragédie dans lequel il y a cent traits de lumière », dit Voltaire au sujet de Shakespeare.

EMMA PICARD

Le roman
Un faux pas dans la vie d’Emma Picard
 est le troisième roman d’une tétralogie consacrée à l’histoire de familles françaises en Algérie (C’était notre terre, Les Vieux Fous, Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, Attaquer la terre et le soleil — pour ce dernier roman, Mathieu Belezi a reçu le prix Le Monde 2022 et le prix du Livre Inter 2023).
Dans les années 1860, pour échapper à la misère en France, Emma Picard, paysanne, veuve et mère de quatre fils, accepte de partir en Algérie cultiver vingt hectares de terre que lui octroie le gouvernement français.
Après quatre années de labeur infructueux, de deuils et de catastrophes naturelles, elle s’assied près de Léon, le plus jeune de ses fils, blessé, et fait le récit — lyrique et poignant — de son combat permanent pour la survie.
Le récit qu’Emma fait de sa vie et de ses épreuves est parsemé de questions par lesquelles elle tente vainement d’impliquer Léon dans un impossible dialogue et qui nous ramènent constamment à la situation douloureuse d’une mère qui veille son enfant souffrant.
Dans ce monologue, livré d’un trait comme en un expir, Emma Picard se raconte et dresse le portrait d’une femme de condition modeste au XIXème siècle.

Qui es-tu Emma Picard ?
Colon par nécessité, Emma Picard est avant tout une paysanne. Son récit témoigne d’un rapport viscéral — sensible et poétique — à la nature, mais aussi au travail de la terre, qu’elle mène avec une détermination sans faille jusqu’à l’entêtement tragique.
Dès le début du récit, puis sous la forme d’un leitmotiv lancinant, Emma Picard se désole de sa propre naïveté, estimant s’être fait berner par les fonctionnaires du gouvernement français. Les phases d’espoir et de découragement successives au fil des épreuves endurées la laissent aussi peu à peu en proie au doute et à la colère face à la religion.

La tragédie universelle des sans-voix
Le texte de Mathieu Belezi s’inscrit dans la grande tradition d’une littérature qui donne une voix à celles et ceux dont on ne parle jamais et qui n’ont jamais la parole. En ce sens, il apporte un éclairage singulier sur l’histoire de la colonisation de l’Algérie. Femme, veuve, pauvre, à la merci des puissants, tentant désespérément de survivre dans des circonstances hostiles, Emma Picard est une héroïne tragique, emblématique de tous les laissés-pour-compte, qui nous interpelle par la dimension universelle d’une tragédie personnelle livrée dans l’intimité d’un soliloque bouleversant.
A son arrivée en Algérie, Emma Picard est conduite sur ses terres par Mékika, un algérien qui choisit de rester avec elle et ses fils pour travailler à la ferme. Loin d’occulter le drame de la colonisation qui est omniprésent dans le récit, la relation qui se tisse entre Emma, ses fils et Mékika nous parle de solidarité dans la lutte pour la survie et de la fraternité des travailleurs de la terre.

Du roman à la scène
Tout en préservant les propriétés stylistiques du long monologue d’Emma Picard — que Mathieu Belezi décrit comme un lamento — nous nous sommes efforcés d’en restituer la bouleversante humanité.
Du fait de la situation d’Emma lorsqu’elle entreprend son récit (anéantie, assise sur une chaise), la mise en espace est nécessairement sobre. C’est donc essentiellement par les nuances et les subtilités de l’interprétation que l’on pourra amener le spectateur au plus près des émotions du personnage et que l’on fera entendre la beauté du texte.

 

Extraits de presse

SNES-FSUFrédérique Moujart
Dans un décor épuré, au bord de la folie, Emma, admirablement incarnée par l’éblouissante et bouleversante Marie Moriette, nous dit avec force et lyrisme cette tragédie. Il faut aller voir ce spectacle en tous points fascinant et d’une grande intensité émotionnelle.

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Froggy’s delightNicolas Arnstam
Marie Moriette, magistrale, tient le public en haleine dès les premières minutes, elle délivre magnifiquement le texte d’une grande force de Mathieu Belezi. Un formidable spectacle dont on sort sonné, porté par une prestation de comédienne impressionnante.

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HotelloLouis Juzot
Marie Moriette s’appuie sur un jeu naturaliste mais qui reste sobre. Le dispositif est simple, lumière et musique sont distillées à bon escient. Le tableau est sensible et s’inscrit dans l’esthétique populaire et revendicatrice de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle d’un Courbet ou d’un Zola.

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L’œil d’OlivierMarie-Céline Nivière
La mise en scène d’Emmanuel Hérault, d’une belle sobriété, est centrée sur cette femme terrassée qui veille sur son petit. Marie Moriette fait résonner avec une intensité poignante la belle supplique de cette femme au cœur brisé, au corps usé par le travail, à l’espérance vaincue.

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ACHAC Groupe de recherche sur l’histoire coloniale
La Compagnie Okeanos propose une adaptation poignante du roman de Mathieu Belezi. Au récit rare de cette ultime tentative pour échapper à la misère, s’entremêle celui de la colonisation française et de sa brutalité. Ce seul-en-scène bouleversant est à ne pas manquer.

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I/O LA GAZETTE DES FESTIVALSYsé Sorel
Porté par une interprétation intense de Marie Moriette, le spectacle, fait le choix judicieux de la sobriété. La langue, à la fois lyrique et profondément terrienne, vibre et prend toute la place pour donner à entendre le destin tragique de cette « vie minuscule » qui participe à la grande histoire.

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FILLE DE PANAMEMarina Glorian
Un récit poignant, porté avec force et subtilité par la magnifique comédienne Marie Moriette, intime, fébrile, lyrique, tragique… La très belle adaptation du roman pour la scène nous restitue la parole de cette paysanne qui a cru à une nouvelle vie. Ce spectacle résonne longtemps en nous.

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LICRAJean Louis Rossi
Jamais le sujet des petits colons partis pour exploiter une terre aride en Algérie n’avait été dévoilé de la sorte. La mise en scène minimaliste est servie par Marie Moriette, une comédienne qui nous amène au plus près de l’émotion de cette femme courageuse. Un spectacle d’une grande humanité.

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La ProvenceAngèle Luccioni
Dans un clair-obscur de circonstance, la comédienne Marie Moriette livre un monologue d’une rare intensité dramatique. Cette création d’une vive sensibilité prolonge l’effort de Mathieu Belezi pour faire revivre au public une vérité historique tragique, trop longtemps ignorée ou déformée.

L’EXCEPTION ET LA RÈGLE

Le Théâtre de l’Épée de Bois est heureux d’accueillir la prochaine création de Bernard Sobel sur l’œuvre de Bertolt Brecht : L’exception et la règle.
Plus d’informations prochainement.

Bernard Sobel, metteur en scène, directeur de la revue Théâtre/Public, réalisateur de télévision, il a dirigé le Centre Dramatique National de Gennevilliers pendant 40 ans et réalisé plus de quatre-vingt-dix spectacles. Puisant dans des répertoires très divers et révélant souvent des auteurs peu connus en France, il a mis en scène aussi bien Shakespeare, Molière, Claudel que de nombreux auteurs allemands et russes, Lessing, Kleist, Büchner, Lenz, Grabbe, Brecht, Müller, Babel, Ostrovski, Volokhov, mais aussi Genet, Beckett ou encore Foreman et Kane… Il a dirigé Maria Casarès, Philippe Clévenot, Daniel Znyk, Anne Alvaro, Denis Lavant, Pascal Bongard, Charles Berling, Sandrine Bonnaire… Bernard Sobel est Commandeur des Arts et des Lettres, Officier de la Légion d’Honneur et titulaire de la médaille Goethe.

Mises en scène 2007-2023
Le Mendiant ou la Mort de Zand de Iouri Olecha Théâtre National de Strasbourg, Théâtre National de La Colline, Théâtre municipal du Mans
Sainte Jeanne des abattoirs de Bertolt Brecht MC93 de Bobigny, Théâtre Dijon-Bourgogne
La Pierre de Marius von Mayenburg Théâtre Dijon-Bourgogne, Théâtre National de La Colline, Théâtre du Nord à Lille
Cymbeline de William Shakespeare ENSATT, MC93 de Bobigny
Amphitryon de Heinrich von Kleist MC93 de Bobigny
L’Homme inutile ou la Conspiration des sentiments de Iouri Olecha Théâtre National de la Colline, Théâtre Dijon-Bourgogne
Hannibal de Christian Dietrich Grabbe T2G Théâtre de Gennevilliers, Théâtre National de Strasbourg, Théâtre Liberté à Toulon, Centre Dramatique National d’Orléans
Old-fashioned prostitute de Richard Foreman, Théâtre des Déchargeurs,
L’Idiot savant de Richard Foreman, Théâtre des Déchargeurs,
Sauvée par une coquette et Le Rêve du papillon de Guan Hanqing, Théâtre des Déchargeurs, Théâtre de Shanghai (Chine)
La Fameuse tragédie du riche Juif de Malte de Christopher Marlowe, Théâtre de l’Épée de Bois
Le Duc de Gothland de Christian Dietrich Grabbe, Théâtre de l’Épée de Bois,
Les Bacchantes d’Euripide, Théâtre de l’Épée de Bois, Théâtre de Gennevilliers. Reprise des Bacchantes du 19 au 23 février 2020 au Théâtre de l’Épée de Bois.
Le secret d’Amalia, un chapitre du Château de F. Kafka au 100ecs, en 2020
La Mort d’Empédocle de J.C.F. Hölderlin au 100ecs, en 2022, Théâtre l’Épée de Bois saison 2022/2023, reprise saison 2023/2024

LE NEVEU DE RAMEAU

La caractéristique de mon Neveu de Rameau est l’incarnation. La priorité est la chair, l’expression des acteurs qui donnent vie aux idées. Une des phrases de l’œuvre, prononcée par le Philosophe, a été mon fil d’Ariane pour ce travail : « Mes pensées ce sont mes catins. » Les pensées vues comme des prostituées ! Le culot de Diderot ! Les idées, faites de chair, dont on se sert pour fréquenter, selon son humeur, des sentiments sublimes ou des lieux infâmes. Jouir intellectuellement, sans barrière, en toute liberté, assouvir les fantasmes de l’esprit, voilà ce qui a guidé cette mise en scène dont la volonté est d’habiller les idées abstraites d’un corps de sueur, d’énergie débridée et de mouvements. Les acteurs, Nicolas Vaude et Gabriel le Doze, ainsi que le claveciniste Olivier Baumont, ont adhéré sans réserve à ce point de vue, et ont insufflé à leurs personnages une vitalité, une jeunesse et une modernité à la mesure de ce texte unique, génial.

Jean-Pierre Rumeau

 

ET LA BÊTE BLESSÉE LA REGARDAIT… OÙ EST ROSA LUXEMBOURG ?

«Je n’ai pas connu ma tante Rosa, seulement des récits et des conversations de grands que j’attrapais au vol. Quand on a pris l’avion pour assister à son enterrement c’était étrange. Tout le monde était triste et en colère et moi j’étais intrigué et impressionné de voyager en avion. Mon père travaillait au ministère polonais de la Santé qui venait d’être créé. C’est pourquoi on lui a fourni un avion. Il a pu sauver une partie de la bibliothèque de tante Rosa.»

Kazimierz Luxemburg, neveu de Rosa

Ce pourrait être « Looking for Rosa » en clin d’œil à Al Pacino. Le principe de notre travail suivra la même démarche de recherche, de questions posées, une sorte d’enquête autour d’une réalité … mystérieuse : Le corps enterré au côté de celui de Karl Liebknecht plusieurs mois après celui-ci est-il celui de Rosa Luxemburg ?
Rien n’est moins sûr !
Les faits connus : le 15 janvier 1919 Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés par les Corps-Francs (milices de soldats fascistes n’acceptant pas la défaite) organisés par Noske, ministre social-démocrate de l’intérieur. Le corps de Rosa est jeté dans les eaux glacées du Landwehrkanal après mutilation. On lui a coupé les mains, les pieds et la tête. Un cercueil vide sera enterré le 25 janvier au côté de celui de Liebknecht car il faut calmer les esprits et la foule de cette révolution en cours, férocement réprimée. Ces funérailles rassembleront néanmoins plus de 100 000 personnes.
Quelques mois plus tard un corps de femme est repêché dans le Landwehrkanal. Il est attribué à Rosa et est enterré le 13 juin 1919 donnant lieu à un nouveau rassemblement.
Problème : C’est un corps avec tête, pieds et mains qui est enterré. Sans défaut à la hanche et aux deux jambes de même longueur. Rosa boite depuis l’enfance après une poliomyélite. A-t-on encore cherché à calmer les esprits ?
En 2009 un mystérieux corps de femme a été découvert dans un cercueil en bois, dans une pièce souterraine de l’Institut médico-légal de l’hôpital Charité à Berlin et présenterait des « similitudes stupéfiantes avec celui possible de Rosa Luxemburg », selon le directeur de cet Institut.
Notre spectacle : nous commençons par la fin de l’histoire. La mort de Rosa et le mystère autour de son corps. Et nous reprenons le fil de sa vie.
Trois temporalités : le temps de Rosa la rouge, surtout les lettres de prisons pendant la Grande Guerre, le temps de Kazimierz et de ses souvenirs. Notre temps, enfin, de fabrication du spectacle, Aurélie Youlia menant elle-même sa recherche dans le désir de nous faire découvrir l’amour de la vie, de toutes les vies, qui animait cette femme de combat.
Pas de biopic, pas d’identification proprement dites. La construction d’un univers poétique reposant sur l’extraordinaire correspondance de Rosa, aidée de musiques et de sons pour parler de notre temps présent. Car Rosa Luxemburg a consacré sa vie au combat pour aider les humains à se libérer eux-mêmes de leurs chaînes et à « chanter » son amour de la nature. Dans les plus infimes manifestations de vie – une fleur poussant entre les pierres des murs de sa prison, un oiseau se posant entre les barreaux du soupirail – elle puise son énergie vitale.
Le laboratoire d’une recherche poétique avec musique et mots. La silhouette de Rosa la Rouge dans un coin de l’espace. Des interventions de notre réel.