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CIRCULEZ!

Accident matériel, accident corporel, accident originel !

Circulez, il n’y a rien à voir ! Oui, Monsieur l’Inspecteur aurait aimé qu’au moment de l’accident matériel les lieux soient accessibles, que tous ces gens qui s’agglutinent autour du véhicule dégagent. Que Les passants passent, et ne s’inquiètent pas de savoir, combien y a-t-il de blessé ou de mort. Que ces derniers ne cherchent pas à connaître si la victime est un proche parent, ami ou allier.

Monsieur l’Inspecteur voudrait simplement que les accès soient libres, pour laisser passer les services de secours : pompiers, police, gendarmerie puissent faire leur travail en toute sécurité. Exactement, comme cela se passe dans le « pays en dehors » où monsieur l’Inspecteur à appris son métier. Un pays où semble-t-il, chaque chose est à sa place. Où les us et les coutumes sont millénaires. Un pays   où les règles sont définitivement ÉTABLIES.

 Oui mais, monsieur l’Inspecteur est ici, il n’est pas d’ici. Il est peut-être resté trop longtemps dans son « pays en dehors », il ne connait plus le « masko ». Car dans le pays où monsieur Chofwa et son papa ont eu leur accident, les choses sont DIFFÉRENTES… SPÉCIFIQUES. Dans ce pays, n’allez pas chercher les causes d’un accident matériel ou corporel, uniquement sur les lieux de ce dernier. Pour trouver les raisons, il faut remonter loin loin loin, jusqu’à l’accident originel, c’est-à-dire celui qui a fondé ce peuple.

 Mais, c’est beaucoup de chemin à parcourir. Alors, fuyons ! « mawonons », « maskotons ! » L’estomac de l’inspecteur ne serait peut-être pas assez solide, pour suivre Chofwa à travers tous ces chemins chiens. Ce dernier lui dit qu’il a vu un « mofwazé » aller et venir près de son père lorsqu’il était couché sur le brancard. En même temps un bœuf a traversé la route, puis un véhicule 4X4 est venu marcher sur le corps de son papa.

 Nous sommes là, dans la tradition et la modernité, dans le réel et l’absurde, dans le rationnel et l’irrationnel, dans le rire et le délire… Ici, dans ce pays. CIRCULEZ ! Car tous nous avons quelque chose à voir, dans cette pièce.

 Si ensemble nous essayions de reconstituer notre Accident, peut-être que nous trouverions ses vrais raisons et nos morts pourront vivre sereinement dans l’au-delà!

JE SUIS VOLTAIRE…

D’où vient l’idée de faire un spectacle sur Voltaire ?

Traité sur la tolérance, je ne l’avais jamais lu. Je l’ai découvert sur une photo, celle de Xavier Testelin, après les attentats de janvier. On voit le Traité sur la tolérance déposé par une main anonyme sur un autel improvisé, au milieu des fleurs et des bougies. J’ai lu le Traité bien sûr, comme beaucoup, après ce choc. Je me suis rendu compte qu’en fait, je ne connaissais pas Voltaire. Voltaire était là, dans mon héritage, au rang des figures tutélaires, mais je ne le connaissais pas vraiment. Je me suis donc intéressée de plus près à tout ce qu’il a écrit, à cet esprit voltairien, qui a nourri l’esprit de la Révolution, qui a contribué à ce bouleversement en profondeur de la société. Aujourd’hui ce bouleversement, ces idées nouvelles sont un acquis, on vit ça comme un acquis, on dort sur cet acquis, on ne se pose plus de question. D’où l’envie de faire un spectacle sur l’esprit de combat qu’avait Voltaire.

Et donc, c’est un texte de Voltaire ?

Non, c’est un texte à propos de Voltaire. J’ai fait un atelier de recherche, pendant six mois, avec de nombreux comédiens. Nous avons traversé toute son œuvre. C’est gigantesque, c’est fascinant ! Mais que reste-t-il en nous de cet esprit de révolte ? Voltaire, c’est la figure du combat contre le fanatisme, dans le monde entier, mais nous, là, aujourd’hui, on fait quoi ? À travers lui, c’est notre relation au combat qui se pose.

Voltaire a beaucoup écrit pour le théâtre, une cinquantaine de pièces, et il n’y en a pas une qui raconte ce que vous voulez dire ?

Il a écrit Mahomet, une pièce sur le fanatisme, mais ce n’est pas cet aspect là que je souhaite interroger, c’est plutôt notre rapport à lui, à ce qui reste en nous de sa faculté de combat.

Et le siècle où il a vécu, le 18ème siècle, qu’est-ce que ça représente pour vous ?

C’est une époque fondatrice, une époque flamboyante, une époque très dure finalement, avec l’Inquisition qui a un pouvoir dévastateur, criminel. Et nous allons inventer la Révolution… On vit encore là-dessus, on parle des Droits de l’Homme dans le monde entier, mais nous, on en fait quoi ? Tout le 18ème siècle prépare la Révolution, c’est intenable, les gens n’en peuvent plus du pouvoir, absolu, tyrannique, de droit divin, avec l’Inquisition… donc il va y avoir un bouleversement mondial et nous allons être à la base de ce mouvement… en gros, on vient de là…

Qu’est-ce que raconte le spectacle ?

C’est une quête, c’est la recherche d’un état d’esprit, d’un esprit de rébellion. Il y a donc une journaliste qui part à la recherche de cet esprit voltairien et elle interroge plusieurs personnes à ce sujet. Y a-t-il quelque chose en nous de Voltaire ? Ou est-ce que c’est juste le nom d’un boulevard, d’une statue, d’un lycée ?

Quel est le lien entre Voltaire et les attentats ? Qu’est-ce que raconte le Traité sur la tolérance ?

Il analyse la montée du fanatisme et de l’intolérance dans l’histoire, le retour cyclique de ces fléaux. Il fait une analyse critique du fanatisme chrétien et de l’Inquisition. L’Inquisition qui avance main dans la main avec le pouvoir royal. L’Inquisition qui ne peut pas tuer puisqu’elle est catholique et chrétienne, d’où son alliance avec le pouvoir. Pour que le pouvoir tue à sa place. Pour que le pouvoir permette de tuer, pour que le pouvoir permette de torturer ! Comme exemple de fanatisme, on peut difficilement trouver mieux.

Et donc un lien avec Daesh ?

Oui, c’est un pouvoir qui tue au nom de Dieu, comme le faisait l’Inquisition. L’abolition de l’Inquisition, ce n’est pas vieux ! En Espagne, elle n’est abolie définitivement que depuis 1864…

Vous avez écrit le texte du spectacle ?

Oui, je l’ai écrit et j’ai aussi transcrit de «l’oralité», des propos qui sont dits aujourd’hui sur tous les sujets dont traite le texte. C’est une évolution par rapport au travail que je fais depuis 2002, sur «l’oralité» du théâtre-documentaire. Voltaire est très souvent cité dans le spectacle, mais il y a aussi ce qu’on dit ou ce qu’on pense aujourd’hui. « Lisez-moi ! » pouvait-on lire sous des dessins de lui, après les attentats, c’est cette spontanéité politique que je souhaite transcrire, j’espère aussi que ça donnera envie au public de le lire, de le relire…

Il y a un personnage qu’il s’appelle Ézéchiel ? C’est quoi le lien avec les attentats, Ézéchiel, Voltaire…

Voltaire lisait la Bible. Il critiquait le pouvoir de l’Inquisition mais il savait de quoi il parlait. Il lisait la Bible tous les jours. Quand il vivait avec Émilie Du Châtelet, tous les matins, ils faisaient une étude critique. Ce qui était absolument subversif : il était hors de question de faire une analyse critique de la Bible. C’est une chose que certains lui reprochent encore aujourd’hui… Ézéchiel, c’est un prophète « sacrificateur », effrayant ! Un tueur, à qui Dieu parle – en direct – des turpitudes de certaines de ses créatures humaines qu’il faut exterminer. Ézéchiel, il est envoyé par Dieu pour bousiller pas mal de gens…

Est ce que le spectacle est une sorte de mode d’emploi pour se battre ? Pour les jeunes… Pour se mettre dans un contexte de lutte…

Il n’y a pas que les jeunes qui doivent se battre ! Un mode d’emploi, non, c’est plutôt un questionnement sur notre capacité à lutter et à combattre certaines idées dominantes… Lui, quand il commence son combat pour Calas, il n’est pas jeune, il a soixante-cinq ans, il ne s’arrêtera pas, c’est la mort qui l’arrêtera, à quatre-vingt-quatre ans.

Qui pourrait être Voltaire actuellement ?

Personne ! Il faudrait quelqu’un qui soulève l’opinion de la Russie, de l’Amérique, de la Syrie, de l’Europe, et qui se battrait seul pour la tolérance, pour les réfugiés… Si on faisait un rêve ?

Donc Voltaire, vous l’invoquez ?

C’est une icône, j’ai préféré ne pas en donner une représentation, ce serait réducteur. Il a toujours vécu en exil, rejeté, mis en taule, repoussé, il était vécu comme insupportable par le pouvoir et par d’autres, et pourtant tellement célèbre ! Il a fui toute sa vie, sauf à la fin, avec son retour en triomphe à Paris, et chacun de nous à son idée de Voltaire, qu’elle soit juste ou pas. Je crois que l’imagination du spectateur est plus forte que toute représentation qu’on peut faire de lui…

Il y a deux parties dans votre spectacle, la première, c’est son grand amour pour Émilie Du Châtelet et la seconde, c’est son combat contre le fanatisme ?

Oui, la première partie évoque l’amour fou de ce couple mythique, Émilie Du Châtelet, c’est la femme de sa vie, il le dit « j’ai rencontré une âme pour qui la mienne était faite», elle va mourir à quarante-quatre ans… C’est un amour mythique : elle est aussi exceptionnelle que lui. La seconde partie du spectacle évoque ses combats, son combat contre l’Inquisition, au travers de l’affaire Calas, l’affaire du Chevalier de la Barre…

Vous citez Voltaire dans le spectacle : « Les femmes sont les égales des hommes, elles peuvent même leur être supérieures », il a tout de même écrit aussi que le seul défaut des femmes, c’est justement qu’elles soient femmes !

C’est de l’ironie… Il écrit ça juste après la mort de Madame Du Châtelet, cette mort qui l’a mené au bord de la dépression. Quand il dit qu’elle n’avait qu’un défaut : c’était celui d’être une femme, c’est le comble de l’ironie. Toute sa vie, l’ironie a été son bras armé, il l’a dit : « j’écris pour agir », pour attaquer le conformisme, la bien-pensance, la tyrannie…

Émilie serait le double de Voltaire ?

C’est complètement son double, il a trouvé son double. Il le dit tout le temps. Et en plus d’être l’amour de sa vie, Émilie Du Châtelet est sa partenaire intellectuelle, elle est la première scientifique française, elle va traduire Newton, elle lit le latin couramment, et elle va travailler avec Voltaire à la propagation des idées de Newton. Elle va traduire les lois de la gravitation et elle va en donner connaissance à la France, à l’Europe entière…

Newton écrit en latin ?

Le latin, c’était l’anglais d’aujourd’hui, la langue qu’on parlait et qu’on écrivait dans toute l’Europe, pour se comprendre. Donc Newton écrit Principia Mathematica, et pour bien le traduire, Émilie Du Châtelet apprend les mathématiques, elle apprend les algorithmes, elle devient extrêmement savante, et elle va comprendre les lois de la gravitation ! Mais c’est aussi une femme qui a un fort tempérament et qui prend pour amants ces savants avec qui elle apprend les mathématiques. On parle d’elle depuis le livre d’Elisabeth Badinter, mais elle n’a pas encore la notoriété qu’elle devrait avoir.

Donc elle existe en tant que personnage ?

Oui, elle traverse le temps pour venir nous parler de Voltaire et pour répondre à la journaliste qui veut faire un portrait d’elle. Elle et Voltaire formaient un couple de stars, on les observait, des témoins oculaires ont raconté leur vie privée, ils travaillaient tous les deux comme des brutes mais leur vie était réglée, après une journée de recherches scientifiques, ils faisaient du théâtre, ils rassemblaient tous les gens alentour, ils chantaient des opéras, ils apprenaient leurs rôles…

Il y a une jeune femme qui entre dans la salle, au début du spectacle, une jeune Française fanatisée ?

Elle intervient surtout dans la deuxième partie. C’est une jeune fanatique qui n’a pas pu aller au bout de sa mission, qui n’a pas réussi à faire un attentat. C’est une jeune Française, d’un milieu moyen, tout ce qui a de plus banal. J’ai beaucoup lu, beaucoup vu de vidéos avant de pouvoir représenter ce personnage, qui est une énigme… Comment germent ces idées dans la tête de ces jeunes gens ? Ces idées se développeraient parce qu’ils sont en manque d’idéal ? Comment peuvent-ils avoir un idéal de mort ? Croire à un idéal de mort ? C’est une énigme… Et pour moi, il y a une symétrie entre ces fanatiques de Daesh et les fanatiques chrétiens combattus par Voltaire.

Dans la seconde partie intervient un personnage qu’on n’a pas encore vu, le professeur émérite ?

Oui, la jeune fanatisée arrive pour être encadrée par le professeur émérite. C’est son tuteur. Je me suis inspirée des tutorats qui sont mis en place au Danemark, pour les jeunes gens qui reviennent de Syrie. Au Danemark, on fait des tentatives pour « déradicaliser » ces jeunes gens, par des moyens autres que la prison. Il y a donc des tuteurs volontaires, la police considère ces tutorats comme beaucoup plus efficaces et moins onéreux que la prison, avec un meilleur taux de réussite. Notre tuteur à nous, c’est un spécialiste de Voltaire, il est devenu professeur, parce qu’il est passé par l’Université de Vincennes, en 68, quand les travailleurs pouvaient entrer à l’Université sans avoir leur bac. Lui, à l’époque était camionneur et il a pu devenir historien… Sa vie personnelle fait qu’il est particulièrement touché par les dégâts du fanatisme, il a donc entrepris ce tutorat, pour participer à la « déradicalisation » de ces jeunes gens.

Vous m’avez parlé de l’Ézéchiel de la Bible et de Voltaire, mais pourquoi y a-t-il un personnage qui est un ange et qui s’appelle Ézéchièle, au féminin, dans le spectacle ?

Je me suis inspirée du conte de Voltaire : Le monde comme il va, où l’ange Ituriel est envoyé par Dieu pour voir s’il va engloutir Babylone afin de punir les hommes de leurs turpitudes. J’ai imaginé un mixte féminin fantastique, c’est un ange féminin, une « Ézéchièle », qui s’incarne dans la réalité, et qui vient rencontrer les humains : c’est l’assistante de la journaliste. Elle a tous les droits, elle est en relation directe avec le ciel, tout en étant terriblement humaine, va-t-elle dire à Dieu qu’il faut nous engloutir ?

En fait, c’est la journaliste qui provoque la rencontre de tous ces personnages ?

Elle est comme la majorité des Français, elle n’avait pas lu le Traité sur la tolérance avant qu’il ne devienne un best-seller, après les attentats de janvier 2015, et elle décide de partir à la découverte de tout ce qu’elle ne sait pas de Voltaire. Et puis elle fait une série de portraits de femmes remarquables, Émilie Du Châtelet en est une !

Il y a ce personnage qui ouvre et qui ferme le spectacle ?

Oui, c’est un jeune homme qui vient d’obtenir la double nationalité, un Franco-Algérien, lui aussi est historien et traducteur. Ce jeune homme a un grand projet : traduire toute l’œuvre de Voltaire en arabe, ce qui n’a pas encore été fait. Comme Émilie Du Châtelet qui traduit Newton pour diffuser son œuvre, il veut diffuser la pensée de Voltaire en traduisant tous ses textes en arabe…

Le texte qui clôt le spectacle est un hymne à la nature ?

C’est le dernier texte du Traité sur la tolérance. On dirait un texte prémonitoire, Voltaire conseille aux hommes d’être tolérants entre eux, mais aussi avec la nature, de la respecter, au risque de voir tout s’effondrer, s’ils la saccagent… «C’est moi, la nature, seule, qui, dans une nation, arrête les suites funestes de la division… Il y a un édifice immense dont j’ai posé le fondement de mes mains : il était solide et simple, tous les hommes pouvaient y entrer en sûreté; le bâtiment tombe en ruine et de tous les côtés; les hommes en prennent les pierres, et se les jettent à la tête; je leur crie : Arrêtez, écartez ces décombres funestes qui sont votre ouvrage, et demeurez avec moi en paix dans l’édifice qui est le mien.»

APOCALYPSE SELON STAVROS

Apocalypse selon Stavros est né d’une intuition.  De partir avec Maxime Lévèque sur les traces de l’Apocalypse de Jean de Patmos et de l’essai critique posthume de DH Lawrence pour interroger ce que cette oeuvre révèle sur une partie du monde occidental appelé Europe.  12 jours d’immersions et d’improvisations en totale liberté. Voici comment on procède. On marche, on repère un endroit qui nous inspire, on s’arrête, on pose la caméra, et on avance dans les méandres du personnage de Stavros, performeur fictif Grecque, qui revisite l’Apocalypse, ou plutôt la retraverse,  sans le savoir, pour débarrasser l’homme de l’idée de la fin, de la sélection, de la punition et du jugement. Car il voit comme le décrit Deleuze dans son introduction du livre de Lawrence, que l’apocalypse n’est ni joué par Donald Trump dans le rôle de l’Antéchrist, ni inscrit dans le désastre écologique de la planète qui mène à la fin du règne humain, mais bien dans l’organisation du monde telle qu’elle existe déjà, avec ses frontières, ses iniquités, ses armées, ses chars Titus,  ses dettes, ses plans d’austérités, ses médias. De son effroi, de son incapacité à la traduire dans son art, Stavros assistera à un renouveau de son être, et ses possibles relations avec l’autre.

Apocalypse selon Stavros est bien entendu tout sauf un essai religieux. La seule religion que l’on y trouve est dans l’idée que la poétique et sa plus sincère expression est une religion en soi. Il s’agit d’un essai sur l’homme et sa manière de voir, ses visions, ses interprétations, sa difficulté à se débarrasser des fictions imposées, ses peurs, ses angoisses, et ses manières de les vaincre ou d’y succomber. D’un essai sur l’artiste et ses contradictions. Ses tentatives et ses difficultés à se faire comprendre. Sur le monde tel qu’il a été verrouillé, dans ses structures, son urbanisme, ses institutions, ses lois.

Dans notre méthode de travail, nous avons pris soin d’absorber le plus possible le travail de pensée, de recherches, de lectures avant de se lancer dans la fabrique du poème. Car le poème doit évidement le contenir organiquement et ne pas l’expliquer. Il ne s’agit donc pas d’un pensum mais d’une fabrication fictive  et poétique libre. Il conviendra au spectateur d’avoir le plaisir ou non d’y déceler ce qu’il exprime politiquement sur le monde. D’en déceler la force de vie et la qualité de ses contradictions. Nous avons cartographié différents espaces sur l’Ile de Patmos. Collines, clairières, monastères, baies, pour construire en improvisant les bases du récit, et surtout la structure affective et imaginaire de Stavros.

« L’apocalypse, ce n’est pas le camp de concentration, (Antéchrist), c’est la grande sécurité militaire, policière, et civile de l’état nouveau (Jérusalem Céleste). La modernité de l’apocalypse n’est pas dans les catastrophes annoncées, mais dans l’auto-glorification programmée, l’institution de gloire de la Nouvelle Jerusalem, l’instauration démente d’un pouvoir ultime, judiciaire, et moral. Terreur architecturale de la Nouvelle Jerusalem, avec sa muraille, sa grande rue de verre, « et la ville n’a besoin ni du soleil ni de lune pour l’éclairer » et il n’y rentrera rien de souillé, mais ceux là seuls qui sont inscrits dans le livre de l’agneau. »  Gilles Deleuze dans son introduction de « Apocalypse » de DH Laurence.

A Calais aujourd’hui ce ne sont pas des aides humanitaires qui sont envoyées, mais des policiers supplémentaires, pour s’assurer qu’une nouvelle Jungle ne s’y construise pas, pour empêcher des réfugiés de rejoindre Lille ou ils peuvent déposer des demandes d’asiles.  C’est l’Apocalypse dont parle Deleuze.

LES NOCES DE BETÌA

Le jeune Zilio est désespérément amoureux de la jolie Betὶa. Pour la conquérir, il demande l’aide de son ami Nale, prétendu expert en séduction…

Dans ce texte fondé sur le plaisir de la palabre et les numéros d’acteurs, Ruzante, comme son contemporain Rabelais, fait feu de tout bois pour parodier les controverses philosophiques et religieuses, railler tous les dogmatismes et chanter un hymne irrévérencieux au corps et à la liberté.

Archive 2017 – Le Misanthrope

Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompés en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois ; mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.

Alfred de Musset

Qu’est-ce qui pousse Alceste vers Célimène ? Ces deux personnages sont des contraires et pourtant, ils s’attirent comme les pôles opposés d’un aimant. La sensualité de l’un épouse celle de l’autre sans que la raison s’en mêle. Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point.

Cette sensualité n’est pas décrite par Molière lorsqu’il écrit Le Misanthrope au XVIIème siècle, en 1666 et pourtant elle transpire dans tous les silences, tous les regards, tous les non-dits de ces deux amoureux.

C’est sous cet axe dramaturgique que je porte mon regard : le cœur, la sensualité.

Comment traduire ce qui n’est pas dit par Molière ? Par le corps naturellement, la danse ! Et ce qui me paraît révéler le plus le désir, l’éveil des sens, la complexité du couple se trouve dans le tango argentin.

Qu’on le veuille ou non, tout couple est aux prises avec une certaine lutte pour le pouvoir. Si ce combat est mené dans le respect de l’intégrité des personnalités, il peut régner une sorte d’harmonie qui favorise l’épanouissement de chacun des protagonistes.

Alceste et Célimène décideront finalement de ne pas lutter, de ne pas s’essayer à l’amour, par peur de s’y perdre. C’est là leur tragédie.

Karine Dedeurwaerder

LES PIEDS DEVANT

Le spectacle :

Ce spectacle est une fresque musicale et poétique, dans laquelle se mêlent chanson, musique instrumentale, poésie et théâtre. Il s’agit d’une performance concertante qui porte un regard sur les jours suivant l’appel téléphonique d’un commissariat à une famille pour lui annoncer la mort de l’un de ses enfants dans un violent accident de la route, et s’étend jusqu’au jour de l’enterrement, où tout s’arrête brutalement.

La structure de l’œuvre est basée sur l’exact déroulement de ces faits et se veut attester de l’infernal déferlement qui happe chaque famille confrontée à la mort d’un proche. L’avalanche de problématiques, de décisions à prendre, toutes plus matérielles les unes que les autres. Le rythme de l’œuvre est un écho à ces quelques jours, un écho à la fois poétique et grinçant. Tantôt rock’n’roll tantôt précieux, tantôt profond, ce spectacle essaie de transcender ces moments difficiles, presque tabous, ceux sur lesquels on ne revient jamais… Aller reconnaître le corps de son enfant à la morgue, choisir une entreprise de pompes funèbres, un cercueil sont autant de sujets qui sont triturés ici, distordus par le prisme de la poésie, afin de les rendre acceptables.

De la pop, de la chanson, du jazz, du tango, de la musique contemporaine, voilà les ingrédients musicaux de cette fresque macabre mais pleine d’espoir et d’humour, qui nous emmène dans un univers pop, abstrait et poétique, mais surtout salvateur.

DESSINE MOI UN MOUTON

Le Théâtre de l’Épée de Bois participe ce 1er décembre à l’opération Théâtres Solidaires de l’association Dessine moi un mouton.

A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le Sida (1er Décembre), certains théâtres de Paris et d’île-de-France montreront leur soutien aux enfants, adolescents et jeunes adultes eux-mêmes franciliens, vivant avec une maladie chronique dont le VIH-Sida. Ce partenariat fait d’autant plus sens qu’un atelier théâtre est mis en place au sein de l’association.

Ces théâtres reverseront à Dessine-moi un mouton une partie des montants des tickets vendus pour les représentations ayant lieu autour du 1er Décembre 2016. Un soutien fort pour ces jeunes qui nécessitent un accompagnement global pour grandir et « vivre bien » dans le contexte de leur maladie. Les fonds récoltés serviront directement la prise en charge de ces jeunes par nos professionnels infirmiers, psychologues et éducateurs spécialisés.

Bruits d’écume

«Bruits d’écume» est une création pluri artistique : un spectacle musical, théâtral mais aussi des oeuvres collectives réalisées par une soixantaine d’artistes (peintres, sculpteurs, photographes, designers, écrivains et poètes) à partir des textes et chansons de Patrick Minod.

« Bruits d’écume » c’est aussi un site internet qui conjugue harmonieusement musiques, textes, chansons, œuvres picturales et photographiques : www.bruitsdecume.fr

C’est la mer qui a inspiré «Bruits d’écume», la mer et son imaginaire. Pour Patrick Minod, à l’initiative de cette création, la planète bleue porte notre propre intériorité, nos rêves et nos désirs d’ailleurs. Il a associé ces bruits avec les siens et l’écho du monde.

Dans sa vision aigre-douce s’entremêlent euphorie, humour, tendresse, cache-cache érotique, égarement et nostalgie.

Le spectacle s’articule autour de textes, de chansons, images, films, mises en situation qui s’imbriquent, interfèrent, se chamaillent ou se complètent harmonieusement. Le tout s’accorde au rythme du son des vagues, de la bossa nova, de l’Afrique, de la musique classique ou même minimaliste.

LA FORMULE DU BONHEUR

Ce récit théâtral raconte l ‘histoire d’un pillage d’usine.

En novembre 2004 un fond d’investissement américain acquiert une entreprise française, leader mondial d’un produit pour l’industrie automobile, pour un euro, et en deux ans il réussit à siphonner les actifs de l’entreprise sans investir un seul dollar de plus. Une histoire du début du vingtième siècle, somme toute banale.

Mais comment ça marche? Comment est-ce possible?

Désemparé par la simplicité de cet engrenage infernal, l’acteur se positionne dans l’œil du cyclone, il tente de comprendre et il suit les étapes. Il suit les tentatives de sauvetage du chef d’entreprise français, il raconte l’arrivée des américains dans la boîte, il décortique les difficultés de survie d’une entreprise métallurgique, une forge…. il bifurque vers des explications historiques et démonte la violence du marché automobile.

Sur un mode à la fois ironique et tragique, il raconte l’histoire de son enquête, une histoire d’aujourd’hui en somme, un conte moderne qui affronte la peur et la résignation, qui affronte les questions, noyées dans des discours de plus en plus nébuleux sur « la crise ». Dans la tradition du cabaret politique allemand, l’acteur s’interroge ainsi, tel un candide, sur les fonctionnements, sur les rouages financiers, administratifs et politiques en épinglant avec humour les dérives d’un système mondialisé où les humains comme les dommages collatéraux ne compteraient plus. Une pièce salutaire et férocement drôle, un théâtre citoyen qui nous rappelle que l ‘esclavage économique n’est pas une fatalité….

ACTÉON

« La scène est dans la vallée de Gargaphie ». Une troupe de chasseurs, emmenée par le jeune prince Actéon, poursuit un ours. Elle s’arrête un moment pour dédier l’équipée à Diane, déesse de la Chasse. Non loin, retirées dans un bocage, les nymphes de Diane se baignent en chantant les bienfaits d’une vie exempte des tourments de l’amour.

Actéon, resté seul pour se reposer dans un bois, dit lui aussi sa méfiance de l’amour. Il aperçoit bientôt Diane et ses compagnes, se dirige vers elles et est surpris par la déesse qui, furieuse, l’asperge d’eau, sous les imprécations des autres baigneuses. De nouveau seul, Actéon voit sa métamorphose en cerf. Les chasseurs reviennent en appelant Actéon, pour qu’il puisse être témoin de la mise à mort d’un cerf par ses chiens. Junon apparaît et leur révèle que ce cerf n’est autre que leur prince, dont elle a précipité la fin pour se venger de l’aïeule d’Actéon, Europe. Le chœur se lamente et déplore cette mort imméritée.