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MERTEUIL, VARIATION

Quartett est une réécriture brève et étincelante des Liaisons dangereuses de Laclos. Merteuil et Valmont, les deux protagonistes du roman épistolaire, ont vieilli. On les retrouve cloîtrés à l’intérieur du musée de (leurs) amours avec les statues de (leurs) désirs en décomposition. Leur aire de jeu, leur terrain de chasse est toujours l’érotisme. Eros et Thanatos for ever.

Dans Merteuil, variation, spectacle imaginé à partir de fragments du texte de Quartett, la marquise de Merteuil est jouée par un homme, David Arribe. Après Moloch, spectacle dans lequel David incarne un Ogre imaginaire chez qui les fantômes du Boucher des Balkans et de Dracula se mêlent, s’est imposée l’idée de poursuivre avec lui l’exploration d’un territoire habité de prédateurs monstrueux, une plongée dans la nuit des corps. Merteuil est seule, elle rêve. L’image de Valmont l’habite, le désir palpite encore. Et la mort rôde, elle qui, selon Georges Bataille, « rejette l’homme dans l’animalité ». C’est dans la mise à mort qu’elle, qu’ils parviendront à l’apogée du désir. Au cœur de la pièce, il y a ces mots de Merteuil : Quelque chose vit entre l’homme et la bête. Que j’espère ne pas avoir à rencontrer, ni dans cette vie, ni dans une autre, à supposer qu’il y en ait une autre. A la seule pensée de son odeur, je sue de tous mes pores. Mes miroirs exsudent son sang… Il m’arrive de rêver qu’il surgit de mes miroirs sur ses pieds de fumier et sans visages, mais je vois ses mains avec précision, griffes et sabots, quand il m’arrache la soie des cuisses et se jette sur moi comme la terre sur un cercueil, et peut-être sa violence est-elle la clef qui ouvre mon cœur. Il y a dans ces lignes l’expression d’une peur primordiale,originelle, où désir et haine seraient mêlés inextricablement, où l’un des premiers gestes exercés par l’autre sur soi-même serait un geste d’agression, d’une volonté imposée par la violence.

« Continuons à jouer. L’art dramatique des bêtes féroces ». Comme dans Quartett, où Merteuil et Valmont « jouent » à être Madame de Tourvel et Cécile de Volanges, deux proies séduites par Valmont, dans Merteuil, variation, Merteuil « joue » à être Valmont et Tourvel dans ce qui se révèle être le rituel de la mise à mort (une nouvelle fois) de Madame de Tourvel. Les ombres familières d’Artaud et de Genet veillent en coulisse.

Frisson des identités mouvantes, obsession de la jouissance, angoisse de la mort, et parfois l’écho d’un rire salvateur qui est celui d’une liberté qui s’affiche sans pudeur et sans masque à une époque trop souvent marquée par un moralisme exacerbé.

La fonction de l’art du théâtre (s’il en a une) n’est pas d’apporter des réponses aux questions qui agitent la société des femmes et des hommes, mais d’exposer en pleine lumière, de la manière la plus crue, le théâtre des opérations de nos tourments intimes et collectifs.

Jean-François Matignon, 13 septembre 2020

ANDROMAQUE – Archives

En déroulant les fils enchevêtrés des passions amoureuses que met en scène Andromaque, Racine fouille la vertigineuse question du désir et démonte sa mécanique universelle : plus l’objet s’éloigne et plus le désir augmente. Mécanique ô combien dramaturgique ! Pour achever la démonstration et mener l’œuvre à sa forme tragique, Racine pousse le jeu à l’extrême et situe l’objet hors d’atteinte. Pour les personnages, les seules issues sont la mort ou la folie.

Malgré la démesure de la peinture, impossible de ne pas voir que la violence d’Hermione et de Pyrrhus, le délire d’Oreste et la cruauté d’Andromaque sont bien les nôtres. La puissance impérieuse du désir contient une sauvagerie qui menace, à tout moment, de démentir la raison et de renverser tous les ordres.

Impossible à chasser, difficile à apprivoiser, sa nature mystérieuse a beau être dérangeante, le désir est constitutif de l’être humain – aucune action ne pourrait exister sans lui, et le pire serait de s’en détourner.

Dans notre société moderne, hyper sensible au moindre danger, avide de contrôle et de « douceur », au point de donner, du désir, une image pathologique, la pièce de Racine provoque une sorte de collision historique à la fois abrupte et réjouissante.

Et si la violence contemporaine n’était plus de succomber à son désir, comme « une bête », mais de le nier, comme « un ange » ?

Une mise en scène centrée sur le jeu des acteurs : une distribution jeune, une scénographie épurée, sans décor, un travail au cordeau sur la langue française, pour une version moderne et réjouissante, dans un respect absolu de l’œuvre.

BUTTERFLY : l’envol

Prenant sa source dans l’opéra de Giacomo Puccini, « Butterfly : l’envol » fait le pari de la relecture de l’œuvre originelle, dans laquelle chaque artiste au plateau est tour à tour comédien.ne, chanteur.se, instrumentiste. Comme autant de différents points de vue d’un même drame. Comme autant de papillons autour d’une même flamme…

S’inspirant du récit des mariages éphémères entre marins et jeunes femmes japonaises, Leslie Menahem, auteure, propose une fiction moderne inspirée du livret de l’opéra Madama Butterfly. Elle donne la parole à Suzuki, confidente de l’héroïne. Stanislas Kuchinski réinvente des pages emblématiques de l’opéra et d’autres pièces choisies pour une formation originale : violon,clarinette, basson, contrebasse. La série de pièces originales composées par Graciane Finzi sur des Haïkus viendront ponctuer le récit. Comme des pensées musicales et poétiques, hors du temps.

Jouant l’intimité et la confidence, l’action se noue autour d’un dispositif unique, modulable, au centre du plateau. Les quatre instrumentistes, qui seront aussi récitants, joueront par coeur : gage, d’une part, de la fluidité du spectacle et opportunité, d’autre part, de laisser parler leur instrument sans la contrainte visuelle d’un pupitre. Ajoutées à ce quatuor, une soprano et une comédienne.

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La Presse en parle

« Le théâtre de l’Epée de Bois nous propose une magnifique oeuvre poétique et lyrique(…) Cette oeuvre est un véritable enchantement des sens marquée par sa délicatesse et sa beauté esthétique ». Laurent Schteiner, Théâtre.com

« C’est une superbe réussite (…) Un très beau spectacle qu’il faut courir voir ». Micheline Rousselet, La lettre du SNES

« La virtuosité des musiciens et leur complicité, la pureté de la voix de la chanteuse qui interprète, conférent à ce Butterfly une beauté rare ».Nicolas Arnstam, Froggy’s Delight

« La musique, le texte et le chant s’enchevêtrent, et se soutiennent pour donner un résultat très agréable. C’est à la fois, doux et pur, léger et fort (…) Un très joli moment de théâtre. A voir ! ». ManiThea

QUARTETT

DE SADE A MÜLLER

Je me suis toujours passionné pour les courants libertins du XVIIème & XVIIIème siècles et je reviens toujours vers eux, dès que je sens ma réflexion devenir prisonnière des filets de la bien-pensance, quand il devient urgent pour moi de retrouver ma hargne avec ma profondeur. J’entreprends alors une plongée dans les gouffres de l’antimorale (et notamment sadienne), afin de m’extirper, pour un temps du moins, de cette propreté apparente du monde, d’un monde où pour notre bonheur, il sera bientôt interdit de vivre !
Commence donc mon exploration par Aline et Valcour. Lire Sade, c’est faire place nette, désapprendre, partir à la conquête du vide. D’un roman épistolaire à l’autre, je fais irruption chez Laclos qui me dirige droit sur Müller. Je viens inconsciemment de tisser un fil. Quartett ! J’ai lu la pièce, il y a très longtemps, mais je ne l’ai jamais vue jouée. Je retrouve très vite la partition, je m’y engouffre. Avant d’arriver au bout, je pense déjà à mon actrice, et j’en fais mon essentiel !

ET PUISQU’IL FAUT TOUT DE MÊME PARLER DE LA PIÈCE

Celle-ci met en scène la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, les deux protagonistes des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Mais Heiner Müller ne fait en aucun cas une adaptation du célèbre roman épistolaire. Et c’est ce qu’il indique d’entrée au lecteur en introduction à sa pièce :
“Un salon d’avant la Révolution française / Un bunker d’après la troisième guerre mondiale“
S’il calque le parcours et le caractère de ses personnages sur le parcours et les personnages de Laclos, il va néanmoins les emmener ailleurs, et autrement.

En effet, dans ce Quartett, Merteuil et Valmont apparaissent toujours en libertins oisifs et maléfiques de la seconde moitié du XVIIIème siècle, mais il se pourrait fort bien aussi qu’il s’agisse de personnages endossés par des acteurs se retrouvant une dernière fois pour une cérémonie à la fois baroque et funèbre ; un rituel parfaitement orchestré pour enterrer avec eux la fin d’un monde, du leur.

Du jeu au jeu-dans-le-jeu, la frontière est poreuse et favorise les glissements qui s’opèrent entre l’univers du réel et celui du fantasme. Nos deux naufragés, comme survivants d’une guerre des sexes, vont s’affronter à “tour de rôles“ sur leur terrain de jeu privilégié l’érotisme ; remède unique pour repousser la mort et à la fois s’y fondre, et avec une arme redoutable le langage.

Merteuil pose la situation et entame la joute, Valmont réplique. Puis vient le jeu des rôles : Merteuil endosse le rôle de Valmont et Valmont endosse (par défaut) celui de La Tourvel. Valmont reprend ensuite son propre rôle devant Merteuil qui endosse celui de Cécile de Volanges. (Voici le titre clarifié !) Enfin, et pour conclure : “le sacrifice de la Dame“ ! Valmont reprend le rôle de Tourvel et Merteuil celui de Valmont. Fin de partie !

Personnages-acteurs, mais aussi spectateurs d’eux-mêmes, chacun est pour l’autre à la fois miroir et adversaire. Inséparables, qui sait, peut-être ? « Maintenant nous sommes seuls cancer mon amour ».
Ce sont les derniers mots de la pièce et de Merteuil, celle-là même dont le double s’affranchissait ainsi dans le roman de Laclos : “Je suis née pour venger mon sexe“.

Patrick Schmitt

CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL

Juin 1939, à 26 ans, Aimé Césaire, né en Martinique, publie la première version de Cahier d’un retour au pays natal. Premier poème d’une œuvre qui allait faire de lui un des plus grands poètes de langue française du 20e siècle. Texte fondamental symbolisant la fierté et la dignité retrouvée des peuples noirs mais aussi des peuples opprimés à travers le monde.

Cahier d’un retour au pays natal est fermement ancré dans la réalité sociale, historique et géographique des Antilles françaises de l’entre-deux-guerres. À cette époque, la France et l’Europe régnaient en maîtres sur leurs empires coloniaux, notamment sur l’Afrique et les Antilles. À cette époque, les thèses racistes du diplomate et écrivain français, le comte de Gobineau, sur l’inégalité des races nourrissaient la philosophie du IIIe Reich. À cette époque, dans le Mississippi, Bessie Smith mourait d’une hémorragie devant un hôpital réservé aux blancs qui refusait de la soigner. À cette époque, Joséphine Baker, « Reine de Paris », déposait sa ceinture de bananes. À cette époque, Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor et Léon Damas inventaient la négritude et rendaient à la femme et à l’homme noirs leur dignité d’êtres humains.

80 ans plus tard, alors que de nombreux citoyens dans le monde scandent « black lives matter », la situation ne semble pourtant pas avoir tant bougé sur le fond. D’où l’importance de revenir à Aimé Césaire et à son Cahier d’un retour au pays natal.

Celui-ci nous invite à un voyage dans l’espace et dans le temps pour comprendre les bases historiques, sociales et sociétales sur lesquels se sont construites les relations entre Europe, Afrique et Amériques. Pour comprendre et pour effacer l’oubli, reprendre conscience et confiance en l’humain et re-construire un monde plus respectueux de l’autre, qui promeut la diversité culturelle et favorise un Vivre ensemble apaisé.

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La Presse

« Jacques Martial surgit dans la brèche d’un vaste rideau, […], S’ensuit une sorte de juste miracle permanent. C’est tout un monde qui se crée, là, sous nos yeux et par l’ouïe, dans ce grand corps mobile et ces mains qui sculptent l’espace. »
Jean-Pierre Léonardini, L’Humanité

« … Que dire de plus ? Que Jacques Martial est tout bonnement magistral par sa présence et son incarnation. Que nous vibrons au rythme de ses incantations, qu’il nous fait non seulement entendre la beauté et la nécessité de cette litanie Césairienne mais nous fait aussi percevoir toute la genèse de l’homme noir opprimé qui est bien là, ressuscité. »
Moussa Kobzili, Le Choryphée

 « La voix s’élève. Tantôt impérieuse et tumultueuse, tantôt sourde et caverneuxe, elle n’est point banale récitation, elle psalmodie corps et maux à l’empreinte des mots de cet emblématique Cahier d’un retour au pays natal ! Visage et peau ruisselants sous la chaleur tropicale roulent en larmes argentées les noirs sanglots de l’identité créole autant que la poétique flaboyante d’une langue archipélisée. »
Yonnel Liégeois, Chantiers de culture

« Car si Césaire se lit, il est encore plus puissant quand on l’écoute. Jacques Martial lui donne toute sa présence par sa voix vibrante, un corps imposant et une gestuelle redoutable. Le sens ne passe pas par l’intellect, mais la poétique des formes, verbales, mouvantes, chorégraphiées. A l’heure de black lives matter, Cahier d’un retour au pays natal est d’une contemporanéité subjuguante, avec la beauté sonore d’un texte aux volutes oniriques. »
Jacky Bornet, France Télévision

« Vêtu de vêtements informes tel un pauvre erre, portant des gros sacs, [Jacques Martial] investit progressivement le plateau. Transmettant avec précision et intensité le texte de Césaire, le comédien traverse tous les mouvements du texte, de l’évocation de l’enfance de Césaire, marquée par la misère, à celle de la traite des populations noires ; des clichés qui leur sont accolés ainsi qu’aux Antilles, à la résignation des peuples colonisés. »
Caroline Châtelet, sceneweb.fr

« Jacques Martial a la carrure du guerrier assuré marchant contre les pensées les plus rétrogrades et réactionnaires, obtuse, contrites, empêchées et mortifères, en mal de souffle et de vie respirée. L’acteur porte haut et fort le poème éclairé d’Aimé Césaire. […] Un temps inlassable de méditation poétique, à la mesure de belles promesses existentielles. »
Véronique Hotte, Hottello

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Extrait du spectacle 

Téléfilm de Philippe Bérenger 

EL ÚLTIMO DIARIO DE JOSÉ MARÍA ARGUEDAS

Qu’est-ce qui fait qu’un auteur concentre en son œuvre la sensibilité des différentes nations andines ? José María Arguedas, après 58 ans de défense de la culture indienne, perd ses forces et finit, hélas, par se suicider. Nous qui lui survivons momentanément pouvons prendre son dernier journal, El último diario, et tâcher d’en faire le porte-étendard de son rêve : unir tous les peuples, Todas las sangres.

 

 

LA VAGUE

Naissance du projet

C’est en cours d’histoire au lycée, qu’Alexandre Auvergne découvre le film « La Vague », réalisé par Dennis Gansel. Il décide ainsi de se renseigner sur l’expérience de Ron Jones qui a inspiré le roman de Todd Strasser dont s’est servi D. Gansel pour son film et d’en réaliser un Travail de Fin d’Études (TFE), avec l’envie d’emmener cette pièce en dehors des murs de l’école. Alexandre décide de monter sa propre Vague et de l’adapter à la population résidente en France, contrairement au film où l’action se passe en Allemagne. La pièce permet d’évoquer et de faire exprimer la jeunesse à travers les élèves de M. Perrot. De façon générale, les adolescents traversent une période de vulnérabilité, ils peuvent être très influençables, et n’ont souvent aucun filtre. Le but de la Vague est d’éveiller les esprits sur le monde d’aujourd’hui, et c’est ce que prouve l’expérience de Ron Jones : l’autocratie n’a ni frontière, ni âge, tout le monde est concerné. Le nazisme a beau avoir été vaincu en 1945, le monde contemporain montre qu’il peut ressurgir à tout moment. L’adaptation de «La Vague» d’Alexandre Auvergne et de Prune Bonan propose ponctuellement une interactivité avec le public. Cela permet aux spectateurs de plonger progressivement dans la mise en place d’une communauté autocratique en étant les élèves de cette classe puis en observant les diverses techniques de manipulation d’une population pourtant consciente de l’Histoire.

L’expérience de Ron Jones

Ron Jones est un professeur d’histoire au Lycée Cubberley de Palo Alto en Californie. En avril 1967, lors d’un cours sur l’Allemagne nazie, il décide de mettre en place une étude expérimentale en y impliquant ses élèves. L’idée qu’une population puisse commettre un génocide sans aucune réaction, leur paraissait totalement impossible. Il décide de leur montrer comment Hitler s’y est pris. Il crée un mouvement intitulé « La Troisième Vague », dont l’idéologie vante les mérites d’une communauté. L’objectif étant d’alerter les élèves sur le conditionnement de masse, tout en leur faisant vivre une expérience au sein d’un groupe totalitaire. Cependant, plus l’expérience avance au fil des jours et plus la classe se plaît à faire partie d’une communauté. Les élèves et le professeur portent désormais un uniforme commun, se saluent d’un geste distinctif et de là, naissent des slogans inquiétants. Quiconque s’opposerait aux règles choisies se verrait immédiatement exclu de l’expérience et ainsi de la communauté. Ron Jones avouera, plus tard, avoir été pris à son propre jeu. Il confiera avoir pris un certain plaisir à être le leader du groupe d’étudiants. La pièce, « La Vague », s’inspire de ces faits et du roman « The Wave » écrit par Todd Strasser, ainsi que de différents téléfilms inspirés de cette expérience psychologique.

MON ÂGE D’OR

La Presse en parle 

Une fée de poche qui vous prend par le bout du cœur L’Humanité / Jean-Pierre LEONARDINI

Accompagnée par le pianiste Vincent Leterme et le violoniste Laurent Valero, cette tanagra blonde fait de chaque spectateur son intime. Avec légèreté et trois petites notes de musique, elle donne le secret de son bonheur : être fidèle à ses songes, à son enfance et à la scène. Jouez violons, sonnez crécelles. L’Obs/ Jérome GARCIN

Et maintenant elle chante ! Sur le fil de la mémoire, des perles précieuse : des chansons qui l’ont marquée et qu’elle interprète de sa jolie voix, timbre touchant, précision de la moindre inflexion. Moment musical rare, chaleureux, rigoureux et extrêmement touchant. Le Journal d’Armelle HELIOT

La dynamique est là, la puissance de l’évocation et la joie aussi…Le Théâtre, une fois encore… Arts-chipels.com

Sans affectation, avec la juste mesure de théâtralisation qui sied à ce spectacle en chansons fort bien écrit et fort bien accompagné par Vincent Leterme et Laurent Valero, Natalie Akoun partage et transmet de belles émotions. Froggy’s delight

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Du plus loin que je m’en souvienne, aller voir des spectacles de théâtre et des récitals de chanteurs me procuraient la même sensation : un désir fou et immédiat de partager la scène avec eux.  Être à ma place de spectatrice était insupportable, plus ce que je venais de voir sur scène était beau, plus mon émotion artistique me plongeait dans une sorte de tristesse dont je ne savais que faire, ma vraie vie me semblait fade tout à coup, insupportablement fade, et la vie d’artiste dont je rêvais me paraissait inaccessible. Je regardais par la fenêtre du salon l’affiche de Michel Fugain et le big Bazar, affiche qui a longtemps recouvert un chantier juste en face de l’appartement où j’ai grandi, je connaissais tous les visages de cette affiche dans les moindres détails, voir tous ces artistes aux cheveux longs, aux habits colorés me faisait basculer ailleurs, je rêvais de partir sur les routes et de travailler sans relâche, je rêvais d’être une saltimbanque…(« Saltimbanque » de Maxime Le Forestier fait partie des dix-huit chansons que je chante dans le spectacle).
Les émissions de variété était notre rituel familial du samedi soir avec ma sœur et ma grand-mère pendant que mes parents allaient au théâtre voir des spectacle de Vitez , Mnouchkine, Jean Pierre Vincent… Quand ils avaient aimé le spectacle ils nous y emmenaient le lendemain et le revoyaient avec nous. Le lieu qui a cristallisé tout cela a été La Cartoucherie de Vincennes, lieu miraculeux qui a traversé toutes les périodes de ma vie, où j’ai vu enfant et adolescente des spectacles auxquels je pense encore aujourd’hui, puis où j’ai joué plus tard, et où mes propres enfants ont tellement aimé nous voir travailler pendant qu’ils courraient et jouaient dans l’herbe, il a aussi été le lieu de notre mariage !
Depuis toujours j’ai eu envie de chanter, dans tous mes spectacles les séquences chantées et chorégraphiées y sont d’ailleurs nombreuses, mais jamais  à part, plutôt tricotées dans le texte… Comme pour continuer une pensée quand on ne trouve plus les mots ou quand on n’a plus conscience de ce que l’on ressent, comme une boite noire enfouie au fond de sa tête. Toutes les chansons que j’aime, qui m’habitent et m’accompagnent sont liées à un souvenir intime, à des vêtements, des couleurs, des coiffures,  ces détails-là me restent gravés à jamais et font corps avec la chanson.
Ce spectacle s’adresse à une personne que je ne connais pas, qui ne me connait pas, et  qui pourtant (je crois, j’espère) se sentira immédiatement de ma famille , aura partagé les mêmes rêves, les mêmes doutes, et comme moi aura été si surprise par la vitesse du temps.  Car plus un souvenir est personnel et détaillé (seuls  les détails m’intéressent), plus le spectateur y superposera son propre film, calquera sa propre page qui se fond avec la mienne.
Le regard ciselé et délicat du metteur en scène sur nous trois a donné à ce projet une couleur dont je n’avais pas idée en l’écrivant, lui seul pouvait monter ce texte et comprendre à ce point le projet rêvé que j’avais en tête, et m’a parfois poussée dans certains registres  dont je ne me pensais pas capable.
Durant le travail j’ai été confrontée à beaucoup de difficultés techniques, dues à la musique bien sûr, à l’exigence et la rigueur de Vincent Leterme, j’ai douté forcément, sur le plateau je réfléchissais en même temps à l’écriture, à la construction, à un mot ou une phrase qui ne sonnaient pas comme je voulais, même si le sens était là.  Les indications d’Olivier ont été dès le début de jouer comme si j’invitais le public dans mon salon ou ma cuisine, bouger sur scène comme dans ma maison, ne jamais être en représentation, en un mot être libre et tout me permettre, et cela donne au spectacle une dimension amusante et pétillante qui rend le spectateur complice avec mon personnage.
Dès le début du travail avec Vincent Leterme, j’ai été convaincue d’ une chose : outre le fait qu’il soit un merveilleux pianiste (et pédagogue) , je voulais qu’il soit un vrai partenaire de théâtre, un personnage à part entière. Car Olivier et moi avons été frappés par son potentiel comique, sa présence lunaire, et Olivier l’a poussé dans ce sens.  Dès son entrée une complicité se crée entre nous car je m’adresse à lui en chantant à capella, cette petite séquence a pour moi un charme particulier, on dirait presque une scène de cinéma.
J’avais envie aussi que le piano soit très présent et qu’il soit une réponse à la parole. Musicalement comme physiquement. Ce piano devient même pour un bon moment une petite chambre d’étudiante où un garçon peut entrer, reprendre en duo une chanson que je chante dans mon lit , ou me jouer un air de violon lorsque je vais m’endormir. (énigmatique et charismatique traversée du violoniste Laurent Valero quand je suis endormie sur le piano). Le piano devient pendant deux chansons un petit théâtre à lui tout seul, je suis assise dessus comme un petit oiseau voulant rejoindre son petit poisson (« Un petit poisson » chanson de Juliette Gréco),  puis allongée comme dans mon lit en chantant une chanson d’Anna Karina.
Ce qui nous importait à tous était de ne pas rendre la relation entre nous trois explicite. Bien sûr, je suis nourrie des films de François Truffaut, de Jacques Demy, et j’avais beaucoup de références en tête, mais ce que je trouve réussi et poétique est notre relation qui se passe de mots :  juste trois corps dans l’espace qui racontent et chantent la même histoire.
La participation de Laurent Valero est devenue de plus en plus importante au fil des répétitions. Au début il m’a fait travailler le phrasé, le rythme, la respiration de la musique, mais en étant peu présent sur scène. Puis au fur et à mesure de la vie de ce spectacle, ses interventions évoluent et enrichissent le spectacle, nous chantons même une chanson tous les trois alors que ce moment n’existait pas jusqu’alors. Laurent Valero est par ailleurs producteur de l’ émission sur France Musique « Repassez moi le standard ».
Mon âge d’or est un spectacle sur la naissance d’une vocation, un regard émerveillé sur l’état d’ artiste.  Le spectacle démarre sur ma première colonie de vacances où je participe aux veillées de théâtre du « groupe des grands » où je joue des  scénettes de théâtre et chante devant les autres enfants (« Trois petites notes de musique ») , et se termine par  mon entrée au Conservatoire de Paris (« Seuls au monde » de Julien Clerc),  en passant par les spectacles qui ont marqué ma vie, où la simplicité d’un choix de mise en scène  ouvre des portes sur « tous les possibles » . Quand on touche du doigt que tout est possible sur une scène, alors la vie devient très belle.
C’ est aussi une déclaration d’amour à Paris. Je ne serais bien sûr pas la même personne si j’étais née ailleurs, bien que  je commence et termine le spectacle par l’évocation de l’Algérie, d’où viennent mes parents Juifs Pied-Noir.  C’est une longue déambulation, de ma première fête de l’Huma sur les épaules de mes parents en mangeant des hot-dog avec ma sœur, jalonnée de toutes les chansons qui m’ont accompagnée, en passant par tous les quartiers de Paris où je me sens chez moi, à condition qu’ils soient au soleil !
Ce spectacle, c’est comme si je le jouais et le chantais à l’oreille de chacun, j’invite chaque spectateur à entrer dans ma vie, dans maison, dans ma tête, j’aimerais que chacun en ressorte avec la sensation que je viens de leur parler d’eux, à eux, que je viens de leur jouer et chanter leur histoire, avec douceur, légèreté et authenticité.
C’est une histoire de tendresse et d’amour inconditionnel. Une histoire toute en chansons.

Natalie Akoun

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Quand Natalie m’a dit il y a 3 ans : « je me mets au piano », j’aurais dû avoir la puce à l’oreille. Puis, il y un an quand elle a recommencé à prendre sérieusement des cours de chants avec Vincent Leterme, j’aurais dû me méfier…Puis quand elle a rencontré Laurent Valéro, j’ai senti que ça devait arriver. Alors quand elle m’a dit ensuite qu’elle imaginait un spectacle plein de chansons finalement, je m’y attendais. « Mon âge d’Or » (c’est donc le spectacle) était un machin bizarre, inclassable, fait de textes introduisant des chansons, ou le contraire, des chansons qui jalonnent l’histoire d’une femme qui raconte, pleine d’amour et de passion, son désir de théâtre, de musique, de vie d’artiste, accompagnée de deux musiciens. Et puis quand nous avons commencé à répéter, avec d’abord Vincent au piano, puis Laurent plus tard avec son violon, une évidence est apparue, il s’agissait d’une comédie musicale. Une comédie musicale où une femme nous faisait le récit d’une vie, simple mais remplie d’espoir et d’amour. La scène : c’est chez elle, et dès lors, les musiciens ne sont plus des accompagnateurs, mais des personnages faisant partie de l’histoire. En convoquant ses souvenirs, en commençant à chanter seule, à cappella après avoir rangé quelques affaires, elle les invite et les entraine à participer à son récit, à devenir ses complices. J’ai toujours pensé que les chanteurs n’avaient besoin que de leur corps comme décors, que seuls les éclairages étaient nécessaires à leur performance. Un peu comme les clowns, ou les solistes. C’est pour cela qu’en pensant la mise en scène nous avons décidé de nous passer de décors, à peine quelques éléments, un tabouret de couleurs différentes selon les époques (des périodes roses, jaunes, dorées), une valise, un porte manteaux, nous suffisent à imaginer le petit intérieur de cette femme…Et un piano demi-queue ! Un piano demi-queue sur un petit plateau, c’est un peu comme un éléphant endormi en lieu et place du mur séparant Pyrame et Thisbé : ça prend toute la place et ça ne bouge pas ! C’est donc lui le personnage central puisqu’il s’impose. On ne peut pas le cacher, alors il sera l’élément principal de l’espace. Il sera tour à tour lit, petite piaule, table, bar… Un petit théâtre en somme…Au gré des évocations. Eclairé avec finesse et talent par Pierre Peyronnet. Quelquefois, des sons de villes, de métro, des voix marquantes se feront entendre. Ce sera la seule concession au son additionnel. Le reste des ambiances sonores sera musical et pris en charge entièrement par les musiciens. Le travail le plus délicat a été celui de l’interprétation. Délicat non pas parce que difficile mais parce que nous recherchions une certaine délicatesse, une finesse en un mot un raffinement. Il fallait trouver une convention, un code de jeux qui permette la plus grande liberté possible pour passer du parler au chanter, du dialogue entre les musiciens et l’actrice et les adresses au public…Etc.  Nathalie s’est donc transformée en maçon au cours des répétitions, détruisant et reconstruisant en permanence ce fameux quatrième mur (que franchit allègrement au tout début Laurent et son violon en apparaissant du fond de la scène pour disparaître dans la salle ; comme un indice de ce qui va suivre). Cette liberté de l’artiste, c’est celle qui permet toutes les audaces. J’ai insisté sur un point qui m’a semblé primordial : La légèreté. L’écueil du récit de souvenirs est de tomber dans une mélancolie suscitant une émotion poisseuse. En écoutant Natalie (son personnage de fiction) chanter et jouer devant moi, je voyais une femme qui certes nous parlait de son passé comme d’un refuge,  mais pour s’en libérer. Et pour cela il fallait qu’elle s’amuse de son histoire, qu’elle en fasse une comédie où elle regarde derrière elle en souriant, qu’elle voit la jeune fille qu’elle était avec tendresse et amusement, pour que le miroir de sa vie qu’elle nous tend ne reflète pas un paradis perdu. Ainsi nous avons trouvé (je pense) le ton juste de la nostalgie jubilatoire qui libère, qui apaise, qui rend le présent plus léger. Et puis, si quelquefois une larme affleure au coin de l’œil, ce n’est pas un drame, c’est une manifestation physique du passé, la preuve que l’on partage avec le personnage les mêmes souvenirs. Et je pense modestement que l’histoire simple d’un individu simple, qui raconte simplement sa vie, et parce qu’il n’y a rien de plus difficile à réussir que cette simplicité, et bien lorsque ces ingrédients sont réunis, c’est notre reflet. Son histoire devient alors la nôtre et peut nous aider à comprendre qui nous sommes et ce que nous sommes.

 Olivier Cruveiller

BERLIN 33

Londres, 1939
Je vais conter l’histoire d’un duel.
C’est un duel entre deux adversaires très inégaux : un Etat extrêmement puissant, fort, impitoyable – et un petit individu anonyme.
L’Etat, c’est le Reich allemand ; l’individu, c’est moi…

Ainsi commence le livre-témoignage de Sebastian Haffner Histoire d’un Allemand – souvenirs 1914-1933.
J’ai adapté pour le théâtre, sous forme de monologue, la deuxième partie de ce livre, celle consacrée à l’année 1933 et à l’arrivée au pouvoir de Hitler. Cette adaptation a pour titre Berlin 1933. Les résonances de ce texte avec ce que nous vivons aujourd’hui dans nombre de pays menacés par la montée de l’extrême droite sont saisissantes. Il y a urgence, nous semble-t-il, à faire entendre la parole vive de Sebastian Haffner.
Écrit en 1939, alors que son auteur, fuyant le régime hitlérien, se trouvait en exil à Londres, ce texte nous invite aujourd’hui à une réflexion éthique et politique. Face à la violence généralisée, à la haine de l’autre, au mensonge et à la manipulation, aux forces délétères qui traversent notre monde, comment imaginer de nouvelles raisons d’être et d’agir ?

René Loyon

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En 1938, Sebastian Haffner se place dans la perspective de ce que l’on appellerait aujourd’hui un « lanceur d’alerte ». Il attend encore de l’Europe une prise de conscience qui lui permettrait d’adapter sa réaction à la menace du nazisme. Et, comme pour nous faire mieux comprendre l’ascension d’Adolf Hitler, il nous la décrit à hauteur d’homme, d’enfant même – puisqu’il débute son récit avec la déclaration de guerre de 1914, alors qu’il n’est lui-même âgé que de sept ans. Il montre l’intrusion insidieuse du politique dans la vie quotidienne et la sphère privée. A l’analyse historique d’une grande lucidité, Sebastian Haffner mêle son ressenti, ses émotions d’enfant et de jeune homme. Et c’est précisément ce qui nous place avec lui au cœur de la tourmente, nous donnant – comme il a pu l’avoir sur l’instant – une compréhension intuitive autant que cérébrale des événements. C’est aussi ce qui fait chair pour l’acteur et permet de faire de ce texte un objet théâtral.
Comment, dans un contexte miné par la crise économique, un homme apparemment sans envergure, tel que « la plupart de gens qui l’ont acclamé en 1930 auraient probablement évité de lui demander du feu dans la rue » a pu mettre à sa botte « le peuple allemand, qui ne se compose tout de même pas exclusivement de poltrons » et lui imposer son projet démentiel « qui est une nouveauté dans l’histoire universelle. Il s’agit d’inoculer systématiquement à un peuple entier – le peuple allemand – un bacille qui fait agir ceux qu’il infecte comme des loups à l’égard de leurs semblables ou qui, autrement dit, déchaîne ces instincts sadiques que des millénaires de civilisation se sont efforcés d’éradiquer. »

Laurence Campet

EL PRESIDENTE COLACHO

C’est en 1934 que le poète a écrit cette satire des présidents de l’Amérique qu’on appelle Latine, mais le temps nous démontre que la différence est mince entre les présidents de là-bas, d’il y a un siècle, et les présidents contemporains du monde entier.
Pouvons-nous alors critiquer « les autres » sans nous livrer à notre propre censure ?

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