Théâtre Du 25 avril au 12 mai 2024
UNE SAISON DE MACHETTES
Récits recueillis par Jean Hatzfeld. Editions du Seuil. Paris 2003
Ils sont dix.
Dix copains rwandais, hutus, copains de classe, de matchs de foot, de travaux des champs. En trois mois, d’Avril à Juin 1994, ils ont massacré à la machette, « sans rien penser », tout ce que leur bourgade et les collines voisines comptaient de tutsis, près de cinquante mille, hommes, femmes, enfants, leurs « avoisinants », avec qui ils avaient aussi partagé bancs de classe, bancs d’église, soirées arrosées et matchs de foot.
Jean Hatzfeld les a rencontrés dans la prison où ils purgeaient leurs peines (A ce jour, tous, sauf un, ont retrouvé la liberté, leur village, et ceux qu’ils n’avaient pas eu le temps de tuer) : ils ont raconté calmement, placidement, d’une voix posée, presque neutre.
Paroles sans précédent, si l’on se réfère aux autres grands génocides du siècle (même si l’on pense, ici, au journal tenu par Rudolf Höss, le Commandant d’Auschwitz, ou, là, au film de Rithy Panh, S 21). Paroles littéralement sidérantes, au moins autant par la forme qu’elles prennent que par leur contenu, qui posent les questions essentielles sur l’homme, et ce qu’on a appelé, il y a moins d’un siècle « la banalité du mal », mais aussi sur les mécanismes – idéologiques, collectifs et individuels- qui en autorisent l’épanouissement. En 1995, j’ai mis en scène des Conversations avec Primo Levi, qui posaient déjà les mêmes questions, à propos d’Auschwitz. Un spectacle qui, vingt-huit ans plus tard, poursuit son chemin, dans toute la France. Ce travail en est le second volet. Le livre de Jean Hatzfeld alterne les paroles des « coupeurs », le regard aigu, bouleversant, de quelques rescapés – leurs « avoisinants »-, en majorité des femmes, et les réflexions, les mises en perspective de l’auteur. Tout y est passionnant. Le choix des textes, inévitable, s’est entièrement resserré autour des récits des cultivateurs, dans la volonté d’une confrontation nue, directe avec chaque spectateur. Pour que chacun, en toute liberté, se construise son jugement, ses interrogations. De Jean Hatzfeld, on a seulement conservé, en guise d’ouverture, les premières pages, et quelques interventions, comme autant de respirations nécessaires.
Difficile de parler de « spectacle ». Il s’agit plutôt d’une mise en voix collective, d’une « livraison » de récits : un choeur tragique du siècle – le tragique trouvant ici une dimension supplémentaire dans le décalage entre l’acte et la manière de le dire, un décalage tel qu’il frôle parfois, même s’il est difficile de le reconnaître, le burlesque. Tout le travail, ici, consiste à tenter de faire entendre ce décalage, dans la recherche de la transmission la plus juste, loin de toute réduction, ethnique ou psychologique. Quatre comédiens, une contrebasse, un mur et quelques lumières. Le mot, ici, est l’essentiel, et il s’agit, dans le temps et l’espace resserrés de la représentation, d’en dilater le sens, au maximum. Sans pathos ni métaphore. Primo Levi : « L’horreur est. Il vaut mieux laisser les choses se raconter d’elles-mêmes. »
Il ne s’agit pas de désespérer l’auditoire -à quoi bon ? – mais d’essayer de comprendre. Parce que ce qui interroge le plus, finalement, dans ces paroles, c’est leur insupportable proximité.
Dominique Lurcel
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LE MONDE LIBERTAIRE
par Evelyne Trân
« LE BRIGADIER FACE À L’HORREUR »
Le 7 avril dernier a eu lieu la journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsi au Rwanda, il y a 30 ans en 1994.
Pour mémoire entre avril et juillet 1994, 800.000 à 1.000.000 Tutsi ont été massacrés par les extrémistes Hutu. L’élément déclencheur, l’assassinat du président rwandais le 6 avril 1994, provoqua un déchainement de violence aveugle, alimenté depuis des décennies (les 1er massacres datant de 1959) contre l’ethnie Tutsi désignée comme race inférieure.
Les récits d’une dizaine de tueurs recueillis par Jean HATZFEL dans «Une saison de machettes » fait l’objet d’un spectacle en ce moment à L’Epée de Bois
Comment faire un spectacle d’un évènement atroce, le massacre de Tutsi dans l’indifférence internationale, à fortiori lorsqu’il s’agit de donner la parole aux bourreaux ?
Le metteur en scène Dominique LURCEL semble avoir trouvé la bonne distance pour rendre audible l’horreur par la voix même de ceux qui y ont participé.
Exit le sensationnel. Comme le souligne le metteur en scène, il y a un décalage entre l’acte et le dire. Les auditeurs plus que spectateurs dans la belle salle en pierre de L’épée de Bois, s’ils ne peuvent se représenter la réalité des massacres par l’image, peuvent être choqués par la crudité des récits où l’émotion ne passe plus, laissant la place à une sorte de ligne blanche comme si les tueurs ligotés par l’énormité de leurs actes avaient déposé leur conscience et ne pouvaient se regarder en face.
Ce que l’on comprend, c’est que la plupart ont massacré des Tutsi qui étaient auparavant leurs voisins comme s’ils étaient des animaux sauvages, et pour leur défense, déclarent avoir été enrôlés et avoir obéi à des ordres.
Suffit-il d’appuyer sur un bouton (on pense au bouton d’une radio) pour enclencher un mouvement de masse d’une population contre une autre ? Suffit-il qu’un gouvernement décrète que les Juifs doivent porter l’étoile jaune pour qu’en tant que citoyen l’on puisse s’éprouver complice par son silence de la Shoah ?
Il semble bien que les bourreaux étaient également victimes car ils ont été manipulés par des discours racistes si bien incrustés dans leurs cervelles que « les braves cultivateurs ou instituteurs » qu’il étaient se sont transformés en tueurs.
Auteur | Récits recueillis par Jean Hatzfeld. Editions du Seuil. Paris 2003 |
Mise en scène | Dominique Lurcel |
Avec | Céline Bothorel, Maïa Laiter, Omar Mounir Alaoui, Tadié Tuéné |
Musique et contrebasse | Yves Rousseau |
Lumières | Philippe Lacombe |
Décors | Gérald Ascargorta, Jérôme Cochet |
Production | Passeurs de Mémoires |
Avec le soutien de l’ADAMI, de la Ligue des Droits de l’Homme et la Fondation pour la mémoire de la Shoah Avec l’aide du Ministère de la Culture et de la Communication DRAC Île de France, du Conseil général de Seine et Marne, et de la ville de Nangis (77)
Durée : 1h25
Représentations :
Du 25 avril au 12 mai 2024
Du jeudi au samedi à 21h
Samedi et dimanche à 16h30
Bords de scène et rencontres
Le vendredi 26 avril, Laurent Larcher (La Croix/ auteur de Rwanda, ils parlent et de Papa, qu’est-ce qu’on a fait au Rwanda ?) -14 h 30 (représentation scolaire).
Le samedi 27 avril, Annette Becker, historienne (les deux guerres mondiales, les violences de masse contre les civils, leurs mémoires et leurs oublis) – à l’issue de la représentation de 16 h 30.
Le dimanche 28 avril, Stéphane Audoin-Rouzeau, historien (Première guerre mondiale et génocide des Tutsi) – à l’issue de la représentation de 16 h 30.
Le jeudi 2 mai, Pierre Lépidi (Grand reporter/ Le Monde). Auteur de Murabeho – à l’issue de la représentation de 21h.
Le vendredi 10 mai, Jean-François Dupaquier, historien du génocide des Tutsi – à l’issue de la représentation de 21h.
Le samedi 11 mai, Maria Malagardis, journaliste (Libération), documentariste (Rwanda, vers l’apocalypse, actuellement sur F5) et romancière (Avant la nuit) – à l’issue de la représentation de 16 h 30.
Le Dimanche 12 mai, Catherine Coquio, universitaire et historienne, études sur les génocides – à l’issue de la représentation de 16 h 30.
Représentations scolaires
Vendredi 26 avril à 14h30
Vendredi 03 mai à 14h30
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Tarifs :
22 € Plein Tarif
17 € Tarif Réduit
Seniors (plus de 60 ans), enseignants, habitants du XIIe arrondissement, carte Cezam, membre SACD.
13 € Tarif Réduit
Étudiants (moins de 26 ans), demandeurs d’emploi, intermittents du spectacle, Carte Loisirs, Pass Vincennes, Pass Culture 12, personnes en situation de handicap.
10 € Tarif Réduit
Enfants (moins de 12 ans) et groupes scolaires
Pass :
60 € : 4 places
72 € : 6 places
100 € : 10 places
Passeurs de Mémoires
Passeurs de Mémoires
Dominique Lurcel
06 87 20 79 11
ciepasseursdememoires@gmail.com
1, cours d’Herbouville 69004 Lyon
www.passeursdememoires.wixsite.com
Contact administration
Céline Bothorel
06 84 56 07 07
cbothorel@gmail.com